Au Gabon, l’école est considérée comme une institution sociale importée par la colonisation. En effet, autour des années 1840, les missionnaires (protestants puis catholiques) installèrent les premières écoles à Libreville. Ainsi, les « évolués » ou les premiers lettrés du pays seront les produits des écoles confessionnelles. Du fait d’un accord-cadre entre l’Etat gabonais et le Saint Siège (Vatican), les écoles catholiques bénéficient depuis des décennies du statut d’établissements « privés confessionnels ». Ce statut confère à l’Etat la responsabilité d’assumer certaines charges comme l’affectation et le paiement des enseignants. En retour, cet accord donne le droit à l’Etat de procéder à l’affectation des élèves dans ces établissements. Or, au cours de ces dernières années, plusieurs établissements créés et administrés par des religieux et religieuses catholiques portent dorénavant le statut d’établissements « privés laïcs » au même titre que les établissements dont les promoteurs sont des personnes morales ou physiques ne se réclamant d’aucun ordre religieux. Il semble se développer ainsi, à l’intérieur de l’enseignement catholique, un double réseau de scolarisation : un réseau privé confessionnel (réseau populaire) et un réseau privé laïc (réseau élitiste). La présente contribution se donne pour ambition d’expliquer les logiques à l’œuvre justifiant l’existence de ce double réseau de scolarisation. Pourquoi, au-delà de l’unicité apparente, l’enseignement catholique se divise-t-il aujourd’hui en deux réseaux de scolarisation ? Pour développer ce projet de connaissance, la recherche prend appui méthodologiquement sur une analyse de contenu thématique d’une dizaine d’entretiens semi-directifs réalisée auprès des responsables d’établissements concernés et des cadres de la direction de l’enseignement catholique. Les principaux résultats de cette recherche s’orientent vers deux directions essentielles. Premièrement, la recherche de l’autonomie administrative et économique vis-à-vis des injonctions étatiques récurrentes permet d’échapper aux difficultés de gouvernance. Deuxièmement, le réseau privé laïc assure un encadrement et des performances aux examens nationaux de meilleure qualité.
In Gabon, education is considered a social institution imported through colonization. Indeed, around the 1840s, missionaries (first Protestant and then Catholic) established the first schools in Libreville. Thus, the “evolués” or the first literates of the country were products of religious schools. Due to a framework agreement between the Gabonese State and the Holy See (Vatican), Catholic schools have benefited for decades from the status of “private confessional” institutions. This status assigns the State the responsibility of covering certain expenses, such as the assignment and payment of teachers. In return, this agreement grants the State the right to allocate students to these institutions. However, in recent years, several institutions created and managed by Catholic religious figures now hold the status of “private secular” institutions, alongside institutions whose promoters are legal or natural persons not affiliated with any religious order. This has led to the development, within Catholic education, of a dual schooling network: a private confessional network (popular network) and a private secular network (elitist network). This paper aims to explain the underlying dynamics justifying the existence of this dual schooling system. Why, beyond the apparent unity, is Catholic education now divided into two schooling networks? To explore this question, the research methodologically relies on a thematic content analysis of around ten semi-structured interviews conducted with the heads of the concerned institutions and officials from the Catholic education department. The main findings of this research point to two essential directions. First, the search for administrative and economic autonomy from recurring state mandates helps avoid governance difficulties. Second, the private secular network provides better supervision and higher performance on national exams.
Keywords : Autonomy – Catholic Education – Gabon – Elitist Network – Popular Network.
Ó Référence électronique
Dany Daniel BEKALE, « L’enseignement catholique au Gabon : de l’unicité idéologique à l’existence d’un double réseau de scolarisation », Numéro Hors-série (Numéro 1 | 2025), ISSN : 2957- 9279, pp. 11-25, mis en ligne, le 30 janvier 2025, impact factor (SJIF) 2024 : 3.19.