Espaces Africains

 


Ports et développement des réseaux intérieurs : le cas d’Owendo et de Port-Gentil au Gabon

Ports and development of internal networks : the case of owendo and Port-Gentil in Gabon


Brice IBOUANGA – Epiphane MOUVONDO – Léandre Edgard NDJAMBOU

Résumé

Bordant l’Océan Atlantique sur environ 950 kilomètres, le Gabon dispose de deux ports commerciaux dans les principales localités du pays : Owendo (dans l’estuaire du Komo au sud de Libreville) et Port-Gentil (capitale économique). Mises en service respectivement en 1974 et 1980, ces infrastructures ont accompagné l’essor du commerce extérieur national. Ce qui amène à se pencher sur le rôle central que jouent ces ports. En même temps qu’ils représentent des sites de transit des importations et des exportations nationales, ceux-ci sont perçus comme un exutoire potentiel de flux de trafics internationaux à conquérir dans les États sans littoral. La matérialisation de cette nouvelle ambition commande de mettre en lumière les réalités portuaires gabonaises actuelles marquées par certains écueils technologiques et logistiques qui freinent l’arrimage de ces ports à la donne concurrentielle internationale. Cette contribution met en lumière les différentes phases d’aménagement, la mutation étatique vers des intérêts privés et la projection d’une modernisation des infrastructures de transport de l’arrière-pays fondamental des ports gabonais. La méthodologie retenue repose sur des entretiens semi-directifs réalisés auprès d’un échantillon prédéterminé de 100 individus repartis par catégories socio-professionnelles (CSP) et une recension des écrits abordant la question des activités portuaires au Gabon et des flux de l’hinterland.

Mots-clés : Gabon, logistique, Owendo, port, Port-Gentil, réseaux terrestres.

Abstract

Bordering the Atlantic Ocean for about 950 kilometres, Gabon has two commercial ports in the country’s main towns: Owendo (in the Komo estuary south of Libreville) and Port-Gentil (economic capital). Put into service in 1974 and 1980 respectively, these infrastructures have accompanied the growth of national foreign trade. This leads us to consider the central role played by these ports. At the same time as they represent transit sites for national imports and exports, they are perceived as a potential outlet for international traffic flows to be conquered in landlocked states. In order to achieve this new ambition, it is necessary to highlight the current realities of the Gabonese ports, which are marked by certain technological and logistical obstacles that hinder the integration of these ports into the international competitive environment. This contribution highlights the different phases of development, the state’s shift towards private interests and the projected modernisation of the transport infrastructure of the basic hinterland of Gabonese ports. The methodology used is based on semi-structured interviews with a predetermined sample of 100 individuals divided by CSP and a review of the literature on port activities in Gabon and hinterland flows.

Keywords: Gabon, logistics, Owendo, port, Port-Gentil, land networks.

Introduction

Pays à économie extravertie, exportant les matières premières et important les produits manufacturés pour l’essentiel (Mouvondo 2020 : 14-16), le Gabon a entrepris d’accorder une attention toute particulière à ses plates-formes portuaires. En effet, en tant que maillons essentiels des infrastructures de transport, les ports gabonais, par lesquels transitent plus de 90% du commerce extérieur national depuis l’accession du pays à l’indépendance (en 1960), ont révélé progressivement leurs faiblesses naturelles et technologiques. Toutefois, Owendo et Port-Gentil ont connu des mutations substantielles depuis la période coloniale, passant de sites sommaires d’accueil des navires aux aménagements modernes. Cette évolution s’est poursuivie à la faveur de la définition, par l’Autorité portuaire gabonaise, d’un plan stratégique, inspiré du Schéma Directeur National des Infrastructures et articulé autour de trois domaines d’actions prioritaires que sont : l’adaptation du cadre juridique, le développement et la modernisation des équipements portuaires et la facilitation des procédures administratives qui devra déboucher sur la mise en place d’un guichet unique des opérations portuaires. Même si l’on peut déplorer la lenteur dans la mise en œuvre du dossier sensible de la facilitation des opérations portuaires, on relèvera grosso modo l’adoption et la promulgation de la loi n°022/2011 relative au développement des activités maritimes et portuaires en République Gabonaise ainsi que l’élan de modernisation des installations et des équipements depuis 2010. Cette phase de modernisation est matérialisée par la construction d’une nouvelle capitainerie, l’aménagement des ouvrages d’accostage, des aires de stockage et la mise à disposition de l’outillage portuaire.

La réflexion relative à l’évolution des ports gabonais est articulée autour d’une question centrale : quelles ont été les principales étapes du développement des ports gabonais depuis la période pré-indépendance et leurs contributions à l’aménagement du territoire ? De cette interrogation essentielle découlent les questions subsidiaires suivantes : qui sont les acteurs impliqués dans la gouvernance portuaire au Gabon et à quelles différentes échelles interviennent-ils ? Tenant compte de leurs faiblesses respectives, comment redynamiser les ports d’Owendo et de Port-Gentil pour rivaliser avec les ports voisins, notamment en desservant les espaces sous-régionaux mal connectés ? L’objectif de cet article est double. Il est question d’une part, de mettre en relief, dans le contexte des nouvelles ambitions que se sont fixées les autorités gabonaises, les entraves au fonctionnement et le processus évolutif des plates-formes portuaires gabonaises. D’autre part, il s’agira d’explorer les axes possibles de conquête d’un hinterland international. Cette étude suggère les hypothèses de travail suivantes : premièrement, en dépit des dysfonctionnements relevés, les ports gabonais ont connu trois phases d’évolution bien que celles-ci ne soient pas allées de pair avec les aménagements des infrastructures de transport de l’arrière-pays fondamental. Deuxièmement, divers acteurs publics, privés, nationaux et internationaux participent à la gouvernance portuaire au Gabon. Troisièmement, à en juger par les réformes engagées, les investissements consentis ainsi que les perspectives d’aménagement des corridors terrestres attendues et/ou souhaitées, les ports gabonais peuvent ambitionner de conquérir un arrière-pays international. L’étude menée s’articule autour de quatre axes que sont les prémices des aménagements portuaires nationaux, le boom économique et ses effets sur la politique portuaire gabonaise, la participation des acteurs privés à la gouvernance portuaire et enfin la faiblesse de l’arrière-pays et les nouvelles ambitions nationales.

La méthodologie retenue dans le cadre de cette étude repose sur la collecte des données secondaires et primaires effectuée durant deux mois (août-septembre 2021). S’agissant de la collecte des données secondaires, nous avons dans un premier temps recensé des écrits consacrés aux activités portuaires et aux flux de l’hinterland gabonais. Dans un second temps, nous avons recueilli des données statistiques diverses auprès de l’OPRAG (Office des Ports et Rades du Gabon), GPM (Gabon Port Management), GSEZ (Gabon Special Economic Zone) et de la Direction Générale de la Statistiques et des Études Economiques (DGSEE). Quant à l’étape de la collecte des données primaires, elle s’appuie sur des entretiens semi-directifs réalisés auprès d’un échantillon prédéterminé de 100 individus. Il faut rappeler que la période d’enquête retenue coïncidait avec la pandémie de la Covid19 qui obligeait les opérateurs évoluant sur la plate-forme portuaire à procéder à la rotation de leurs effectifs. Il y a manifestement dans le domaine maritime gabonais un déficit de compétence des agents. Cette situation a amené l’Autorité portuaire (OPRAG) à initier des formations d’un niveau relatif, sous l’impulsion de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) : le certificat portuaire. Ce contexte nous a amené à prendre en compte, dans le cadre de notre enquête de terrain, exclusivement les agents disposant des capacités réelles à comprendre les enjeux liés à notre problématique de recherche.

Repartis par catégories socio-professionnelles (CSP) à l’aide des organigrammes des entreprises, les entretiens ont consisté à interroger de façon aléatoire et en fonction de leur présence au poste, 10 personnels d’encadrement, 15 agents de maîtrise et 15 ouvriers du secteur public (OPRAG, entreprises parapubliques, agents publics). Dans le secteur privé, nous avons interrogé 15 personnels d’encadrement, 20 agents de maîtrise et 25 ouvriers de façon aléatoire.

1. L’évolution embryonnaire des ports gabonais

L’essor des ports gabonais est marqué par trois phases distinctes. La période pré-indépendance a nécessité l’utilisation des wharfs puis des môles pour assurer les échanges avec la métropole. Après l’accession à la souveraineté internationale, la modernisation des installations portuaires a conduit, au cours de la décennie 1970, à l’aménagement des ports en eau profonde de Libreville/Owendo et de Port-Gentil. À partir des années 2000, le Gabon a amorcé la phase de concessions des ouvrages et des services portuaires.

1.1. L’influence du commerce colonial

L’activité commerciale le long des côtes gabonaises débutée vers la fin du XVe siècle avec les expéditions maritimes portugaises et demeurée, des siècles durant, à l’étape du troc (poudre, fusils, pacotille contre ivoire, cire, miel, huile de palme), a pu se passer, jusqu’au XIXe siècle, de toute installation portuaire fixe, car les transactions se faisaient soit sur la plage soit à bord des navires mouillés en rade (Ibouanga 1998 : 35). C’est alors progressivement que l’exploitation des ressources forestières, minières et pétrolières, entraînant une augmentation croissante du trafic, devait remettre en cause les solutions de fortune adoptées jusque-là et nécessiter un minimum d’équipements indispensables. Il est néanmoins vrai que le Gabon comptait comme seules infrastructures portuaires les môles de Libreville et de Port-Gentil, en dépit de la nette orientation maritime prise par ses échanges extérieurs. Ce commerce qu’assuraient les armements étrangers s’opérait par des paquebots et cargos mouillant en rade, notamment dans l’estuaire du Gabon et la baie du Cap Lopez. Le principe consistait à transférer, sur la côte, les marchandises et les passagers, dans des conditions pittoresques et souvent dangereuses à partir de petites embarcations (pinasses et chalands). La donne va néanmoins changer à partir du milieu des années 1960, au moment où les besoins de développement du pays obligent les autorités de l’époque à définir une politique portuaire, traduite par l’élaboration d’un plan national des ports maritimes, à Libreville-Owendo pour desservir la future Zone d’Attraction du Chemin (ZAC), périphérique au chemin de fer Transgabonais, à Port-Gentil pour rallier le bassin de l’Ogooué et ses affluents et, l’aménagement (dont le projet est toujours en cours d’étude) du port de Mayumba pour désenclaver la région sud du Gabon (Ibouanga 2006 : 139).

Ces divers projets trouvèrent leur fondement dans l’évolution du commerce extérieur national, comme peuvent en témoigner les sources indiquant un trafic de 8 100 tonnes (dont 1 400 tonnes à l’importation et 6 700 tonnes à l’exportation) au port Môle de Libreville en 1904. Manifestement, l’exploitation de l’Okoumé qui permit d’accroître les performances du commerce extérieur national, n’eût pas une influence réelle sur le domaine portuaire gabonais, car les conditions de transport et de chargement de cette essence de bois se passaient encore des installations portuaires. En effet, les billes constituées en radeaux aboutissant à de multiples points de la côte, tirées à quelques distances du rivage, étaient embarquées directement à l’aide des mâts de charge des cargos (Ibouanga 1998 : 36). Il en est de même pour le pétrole brut exploité dans la région de Port-Gentil dès 1957 et exporté à partir du terminal privé du Cap Lopez, propriété d’Elf Gabon devenu Total Gabon.

1.2. La nature des premiers aménagements portuaires

Les premières infrastructures portuaires du Gabon, aménagées en 1870 par l’administration coloniale (la marine française), sous la forme de deux jetées en maçonnerie, ont été érigées dans la zone dite des « plateaux » prioritairement pour satisfaire les besoins des Compagnies Commerciales Hatton & Cookson et les Chargeurs Réunis (fig. 1).

Fig.1 : Les locaux des chargeurs Réunis

Source
https://www.alamyimages.fr/libreville-gabon-chargeursreunisimage396428869.html

C’est à partir des années 1930 que sont aménagées, par les autorités du moment, des installations administratives pour la réception du trafic maritime. Celles-ci serviront jusqu’en 1954, année de la construction du port-môle de Libreville, constitué d’un môle rectangulaire, protégé par une digue. L’ouvrage qui a été implanté par les fonds de 2 mètres permettant l’accostage des chalands à toute heure de la marée, est resté pendant longtemps l’unique port de commerce de Libreville et sa région (fig. 2), jusqu’à la mise en exploitation du port en eau profonde d’Owendo en 1974.

Fig.2 : Port-môle de Libreville en 1989


Cliché : OPRAG, 1989

À l’instar de l’infrastructure de Libreville, celle de Port-Gentil est un port de batelage où les fonds sont faibles. Les opérations commerciales s’effectuaient par l’intermédiaire de plates et de chalands. Le môle public, inauguré en 1958, fera office de port commercial de la localité jusqu’en 1980 au moment de l’inauguration du port de commerce de la capitale économique du Gabon.

Afin d’arrimer l’arrière-pays à la côte et rendre plus aisée l’évacuation des matières premières (bois, manganèse de Moanda, uranium de Mounana et minerai de fer de Bélinga en projet) vers les ports, les responsables gabonais décidèrent dès 1968, d’aménager un chemin de fer qui aurait pour exutoire le port en eau profonde d’Owendo. Les travaux entamés bien plus tard ont permis la mise en exploitation de la voie du Transgabonais à partir de 1986.

Premier port commercial de Libreville, le Port-môle a été mis en service en 1954. Pour faire face au développement du trafic, il a connu 4 phases de travaux d’agrandissement en 1962, 1969, 1970 et 1971. En 1974, il s’est spécialisé en port de pêche.

 2. L’adaptation des ports à l’essor économique du pays

Dès le milieu de la décennie 1970, la côte gabonaise, longue de 950 kilomètres, a abrité deux principales infrastructures. Le port d’estuaire, mis en service en 1974 dans la commune d’Owendo (sud de la capitale Libreville) est progressivement devenu la principale porte d’entrée et de sortie du commerce extérieur du pays. Un second complexe industrialo-portuaire à Port-Gentil est exploité dès 1980 aux confins du delta maritime de l’Ogooué. Ce port est fortement marqué par la présence d’activités pétrolières et celles qui leur sont associées (Bignoumba 2000 : 112). Parallèlement ont été créées des institutions dédiées à la gestion des organismes maritimes et portuaires. Ainsi, les ports gabonais qui étaient initialement gérés, jusqu’à la fin des années 1960, par les Chambres de Commerce, sous le contrôle du Ministère des Travaux Publics, ont acquis le 1er janvier 1970, un régime d’établissement public national à caractère industriel et commercial doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière. Ce nouveau régime, voué à rechercher l’efficacité du service portuaire, en concentrant les pouvoirs antérieurement détenus par l’État et la Chambre de commerce, fut abrogé, le 30 mars 1974, par l’ordonnance N°41/74/PR/MTPTAC portant création et statut de l’Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG).

En tant qu’établissement public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière, l’OPRAG est aujourd’hui chargé de la gestion de l’ensemble des ports maritimes et rades en République Gabonaise. De ce fait, il assure la mise en œuvre des programmes de développement des infrastructures et équipements. L’essor du secteur portuaire national reste marqué par les étapes au cours desquelles les infrastructures et les formes d’organisation ont connu des améliorations notables pour fluidifier les échanges maritimes du pays (Ibouanga 2006 : 141-142).

2.1. Le complexe portuaire de Libreville-Owendo

Mise en service en 1974, l’infrastructure comprend quatre unités, dont le port de commerce doté d’un quai de 450 mètres de long sur 70 m de large. Cet appontement de type dalle sur pieux, est relié à la terre ferme par une passerelle de 42 m de longueur sur 45 m de largeur. Il a subi deux extensions pour accroître la capacité de stockage à terre des conteneurs. À partir de 1979, le port en eau profonde d’Owendo ambitionne de devenir un port multifonctionnel avec la mise en service du port grumier destiné à faciliter le transit des bois exploités au sein de la ZAC et/ou acheminés à travers le Chemin de fer Transgabonais.

En 1986, un linéaire d’accostage de 150 mètres est venu prolonger le quai initial de commerce. Ce poste sur ducs-d’Albe d’accostage permet également le déchargement sécurisé de tous les hydrocarbures liquides et gazeux provenant de la localité pétrolière de Port-Gentil. Au total, l’ouvrage d’accostage compte 4 postes à quai de tirants d’eau variables. Le poste 1, offrant une profondeur de 11 mètres après le dragage, reçoit les navires-porte-conteneurs. Le poste 2, doté d’un faible tirant d’eau (autour de 6 mètres) du fait de la concentration de l’envasement, est dédié aux chalutiers. Le poste 3 qui atteint 11 mètres de profondeur après le dragage accueille les vraquiers. Enfin, le poste 4, avec 10 mètres de tirant d’eau, permet le trafic d’hydrocarbures.

En décembre 1988, la mise en service du port minéralier a permis l’exportation du minerai de manganèse de Moanda (sud-est du pays) par la voie nationale. À ces ensembles, s’ajoutent les installations spécialisées privées, à clinker exploité par les Ciments d’Afrique (CIMAF) et à bitume et fuel, propriété de la Société Gabonaise d’Entreposage des Produits Pétroliers (SGEPP) (Ibouanga 2007 : 120). En outre, le port de commerce dispose de 9 hectares de terre-plein et d’un parc à conteneurs de 15 000 mètres carrés, obtenu à la faveur de la suppression de plusieurs hangars d’entreposages bord à quai.

Le développement des ports maritimes, imposé par l’essor de l’économie mondiale, a amené les responsables gabonais à envisager une amélioration des prestations et autres services offerts aux navires. Néanmoins, faute de ressources propres nécessaires à l’aboutissement du projet, l’État a recouru aux financements du Groupe Olam International et Africa Finance Corporation, dans le cadre d’un partenariat public-privé, évalué à 500 millions de dollars US. Ainsi, ont pu être aménagées deux infrastructures à Owendo.

D’abord, un nouveau port cargo destiné aux trafics conteneurs, géré par GSEZ, aussi appelé New Owendo International Port (NOIP). Jouxtant le quai initial dit GPM, exploité depuis 1974, la nouvelle infrastructure, mise en service en mai 2017, couvre 18 hectares. Elle est dotée de 720 mètres de linéaire de quai qui intègre l’extension de 300 mètres dédiée à la pêche et à l’exportation de bois débités (fig. 3).

Fig.3 : Les terminaux portuaires de GSEZ et GPM

Source : GSEZ, 2019

La plate-forme comprend par ailleurs une aire de stockage de marchandises générales, 8 silos à grains (blé, malt, etc.) d’une capacité de 10 000 tonnes, 5 cuves de stockage d’huile de palme (huile brute et huile raffinée) de 8 000 tonnes de capacité. S’y ajoutent un hangar, une station-service, un scanner, 2 portiques, 3 grues mobiles sur pneumatique, 4 engins modernes de levage de type RTG (Rubber Tyred Gantry). À moyenne ou longue échéance, ces équipements devraient améliorer la performance de ce quai par rapport au premier. Ensuite, un nouveau port minéralier, multi-utilisateurs, est lui aussi propriété de GSEZ (fig. 4).

Fig.4 : Une vue partielle du terminal minéralier de GSEZ de Baracuda

Source : GSEZ, 2021

Il a été aménagé dans la zone dite « Baracuda », à environ 1,6 mile soit 2,96 kilomètres en aval de l’infrastructure concurrente de la Compagnie Minière de l’Ogooué (COMILOG), la filiale du groupe ERAMET (France). Composé d’un quai de 170 mètres pour 4 mètres de profondeur, il a été mis à la disposition des petits exploitants miniers qui ne pouvaient utiliser l’unique terminal géré par la COMILOG. Il couvre une superficie de 45 hectares gagnés sur l’eau et est subdivisé en deux terminaux. Le premier, de 25 hectares, est affecté aux minerais, alors que le second est un terminal polyvalent de 20 hectares dédié aux agrégats et à certains produits issus de la transformation du bois. L’infrastructure est aussi connectée à un embranchement ferroviaire de 1,5 kilomètre de long, à une zone de stockage pour les minerais, aux voies d’accès multimodales, au réseau électrique, au poste de transformation et au réseau de fibre optique.

La solution logistique offerte est globale. L’opérateur GSEZ dispose de 3 locomotives et 90 wagons d’une capacité de 80 tonnes chacun pour l’évacuation des minerais depuis l’arrière-pays. La première phase du projet qui a une capacité globale de 3 millions de tonnes, est mécanisée et consiste aux transbordements par barges. Lorsque cette capacité sera atteinte, GSEZ prévoit une deuxième phase dotée d’une capacité maximale de 10 millions de tonnes par an. Le port dispose par ailleurs d’une zone industrielle équipée d’infrastructures modernes ainsi que d’un terminal de pêche.

2.2. Le port de commerce de Port-Gentil

Mis en service en 1980, le port commercial de Port-Gentil est la seconde unité portuaire du pays avec un domaine portuaire d’environ 400 hectares. Il compte trois quais affectés à des usages distincts. Le quai de commerce qui mesure 375 m de long pour deux postes, pourvus de profondeurs variant entre 8 et 11 mètres, peut recevoir simultanément deux navires de 150 m à 200 m de longueur. À ce quai principal, est annexé un entrepôt de stockage de 6 000 m2. Le quai de pêche, aménagé perpendiculairement au premier, a un linéaire de 280 mètres pour un tirant d’eau compris entre 5 et 8 mètres. Outre les chalutiers, ce quai accueille également quelques navires qui acheminent des produits de forage destinés aux sites pétroliers de la région (Pambo 2014 : 47). Un dernier quai de 75 mètres de linéaire, maintenu à une côte moyenne de -2,5 mètres, est réservé aux remorqueurs de servitude. À ces unités s’ajoute une base logistique dédiée aux activités pétrolières diverses.

3. La mise en concession des ports gabonais et leur impact sur les trafics

En mettant en concession les installations de Libreville-Owendo et Port-Gentil, dès novembre 2003, les responsables gabonais visaient la redynamisation des activités portuaires. Près de vingt ans plus tard, il importe d’examiner les progrès réalisés en matière de modernisation, d’élévation du niveau d’efficacité, des services et des supports logistiques.

3.1. Les concessions comme mode de développement des ports gabonais

Au Gabon, le processus de privatisation partielle a surtout bénéficié aux opérateurs privés, bien souvent les armateurs (Maersk, Delmas…) ou leurs filiales spécialisées (Marcadon 2004 : 390). Cette nouvelle orientation de l’économie maritime nationale visait, entre autres, à élargir la gamme de services offerts aux usagers, varier les sources de financement des équipements portuaires et accroître l’efficacité de gestion. Néanmoins, la privatisation comporte des limites (Ibouanga 2006 : 151). En effet, la première convention de concession, conclue entre l’Office des Ports et Rades du Gabon et la Société d’Investissement, de Gestion et d’Exploitation des Ports et Rades du Gabon (SIGEPRAG), filiale du Groupe espagnol PIP (Progosa Investment SA / Puertas de Las Palmas) n’a pas produit les effets escomptés[1]. Au terme des quatre premières années, les investissements réalisés, en matière de renouvellement et d’extension des ouvrages, se sont avérés dérisoires. Après avoir dénoncé le contrat, l’OPRAG a conclu un nouvel accord avec le groupe singapourien PORTEK, par le truchement de sa filiale GPM pour poursuivre la réhabilitation des sites portuaires.

Alors qu’il s’était engagé à aménager un nouveau quai, le concessionnaire se borna à acquérir trois grues mobiles entre 2012 et 2013 et à mener des études bathymétriques, géotechniques… Le site censé accueillir cette infrastructure a alors été attribué à l’opérateur OLAM, dans le cadre d’une nouvelle concession. En mai 2017, au terme de deux ans de travaux, sa filiale GSEZ Port mit en service le nouveau port cargo équipé d’une logistique adéquate pour les opérations ainsi qu’un port minéralier.

Au registre des résultats mitigés, on peut évoquer la convention de concession, signée le 15 mai 2007, pour une durée de vingt ans, entre l’OPRAG et la filiale du groupe Bolloré, la Société des Terminaux à Conteneurs du Gabon (STCG), devenue Owendo Container Terminal (OCT) en 2018. Bien que s’étant vu accorder l’exclusivité du service public dans l’étude, l’aménagement, la gestion et l’exploitation du terminal à conteneurs d’Owendo, la STCG n’a pas investi dans l’outillage de manutention portuaire moderne. Elle se borna à offrir des prestations onéreuses en raison du monopole qu’elle détenait sur les opérations de manutention. Ainsi, du fait de la nouvelle concurrence, dès le 14 juin 2017, la STCG annonça la baisse exceptionnelle de ses prestations d’acconage et de relevage des conteneurs pleins à l’import de l’ordre de 40% sur les produits de première nécessité, 40% sur les conteneurs frigorifiques et 20% sur les autres catégories.

À titre de comparaison, l’étude menée par Mbina Iwangou (2013 : 28) sur les tarifs de la manutention terre des conteneurs vingt pieds (20’) à l’import, dans les trois ports de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) présentait des variations saisissantes (tabl. 1).

Tabl. 1 : Tarifs comparatifs de manutention des conteneurs (en FCFA/ 1euro=656 FCFA) au sein de la CEMAC

Source : Mbina Iwangou, 2013

À la lecture du tableau 1, il ressort qu’en 2013, les ports gabonais et camerounais offraient les tarifs les moins élevés de la sous-région. Ainsi, en dépit des quatorze jours de gratuité de stockage accordés par Pointe-Noire, la plate-forme était plus onéreuse que ses concurrentes. Désormais, à la faveur d’une application de 65% de remise, sur la manutention import des conteneurs 20 pieds, Owendo et Port-Gentil figurent au rang des ports les plus attractifs.

3.2. Le trafic maritime et la spécialisation des ports

Le trafic traité par les installations portuaires gabonaises témoigne de la spécialisation de celles-ci. Dans ces ports, on note une prédominance des exportations des matières premières nationales sur les importations constituées pour l’essentiel des produits finis énergétiques, agricoles, alimentaires, de consommation domestique ainsi que des biens d’équipement, des matériaux de construction et du fret divers. D’après Marcadon (2004 : 412), avec un trafic export constitué majoritairement de bois débité et de manganèse, soit plus de 65% du fret traité à l’exportation, Libreville-Owendo manipule moins de marchandises générales. Globalement sur la période 2011-2018, le trafic de ce port, qui est allé croissant du fait de l’exécution de nombreux projets sociaux axés sur la rénovation urbaine et la diversification de l’économie gabonaise, s’établit à l’importation à 15,2 millions de tonnes contre 41,8 millions à l’exportation (tabl.2).

Tabl.2 : Évolution du trafic général du port de Libreville-Owendo (en tonnes)`

Source : Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG) / Tableau de Bord de l’Économie Gabonaise, 2019

La croissance observée du trafic, au cours des années précédentes, notamment celui d’exportation, devrait se poursuivre à l’avenir à Owendo en raison de l’arrivée dans le secteur des nouveaux opérateurs, singulièrement la société chinoise Huanzhou Industial and Commercial Mining Company (CICMZ), chargée d’exploiter le minerai de manganèse à Ndjolé (centre du pays) et Gabon Mining qui a acquis les droits d’extraction (du même minerai) que détenait initialement le groupe BHP Billiton.

À partir de 2011, le volume des exportations des bois débités enregistre des progrès notables, consécutivement à la mesure gouvernementale interdisant leurs exportations à l’état brut. Cette mesure a entraîné la création de nombreuses unités de transformation, spécialisées dans le sciage, le placage et le contre-plaqué (Bouyedi Kougou 2016 : 41). Port-Gentil en revanche est spécialisé dans l’évacuation des produits énergétiques qui représentent plus de 90% du trafic traité. À partir du Terminal pétrolier privé du Cap Lopez (propriété de Total Gabon), situé au nord de la localité de Port-Gentil, est convoyé le pétrole brut. L’embellie relevée en 2011 (tabl.3) découle pour l’essentiel de la remontée de la production pétrolière, elle-même soutenue par le redressement du taux de change du dollar américain par rapport au franc CFA (1 dollar US=634,05 FCFA). Depuis lors, la tendance est plutôt à la stagnation du trafic, puisqu’on enregistre des exportations de l’ordre de 10 millions de tonnes en 2013, 9 millions en 2014 avant d’atteindre 14 millions de tonnes en 2015.

Cette embellie n’a été que de courte durée puisque les volumes des exportations pétrolières ont baissé de 7,7% en 2018 par rapport à l’année précédente, s’établissant à 8,7 millions de tonnes. Cette régression résulte des diminutions de la production et l’application de l’accord de réduction de la production des pays membres de l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole). Outre le pétrole, le bois débité est le deuxième produit exporté par le port de commerce de Port-Gentil. Quoique minimes, les résultats d’exploitation montrent un net relèvement entre 2011 et 2015 avant le repli des expéditions de bois débités observé au cours des trois dernières années considérées.

Tabl.3 : Évolution du trafic général du port de Port-Gentil (en tonnes) de 2011 à 2018

Source : Office des Ports et Rades du Gabon (OPRAG) / Tableau de Bord de l’Économie Gabonaise, 2019

À Port-Gentil, les importations, encore insignifiantes, restent dominées ces dernières années par les pipelines, les engins lourds, les métaux et le ciment qui sont nécessaires à l’aménagement du chantier routier Port-Gentil-Omboué-Yombi (336 kilomètres).

4. La modicité des corridors terrestres nationaux

Les aménagements des réseaux intérieurs gabonais ont connu trois phases essentielles.

4.1. Les axes rudimentaires exploités depuis la période coloniale

Les axes fluviaux et la route en latérite ont été les plus utilisés au Gabon, car le pays est pourvu d’un important réseau fluvio-lagunaire (région Ouest-littorale) et du fleuve Ogooué qui ont initialement favorisé l’acheminement des personnes et des marchandises, telle que l’essence forestière okoumé qui est propice à la flottaison (Ndjambou 2008 : 210). Les sites portuaires présentent des situations différentes. L’agglomération de Libreville-Owendo est connectée à la route, à la voie ferrée et aux réseaux navigables du littoral (baie ouverte de la Mondah et l’estuaire du Komo). Quant à Port-Gentil, elle était encore récemment connectée à son arrière-pays essentiellement par la voie d’eau, grâce au cabotage côtier vers Libreville (Nord), Gamba et Mayumba (au Sud) et la navigation fluviale vers Lambaréné et N’djolé, distantes respectivement de 225 et 315 kilomètres (Ndjambou 2008 : 218-219).

À l’origine, le pouvoir colonial se contenta d’exploiter les pistes et les routes en latérite, en raison de la faiblesse de la population, des densités régionales, de l’échec de l’exploitation de la vanille et du cocotier. L’importance des précipitations et du manteau forestier empêchait par ailleurs les sols de sécher rapidement, provoquant des bourbiers et le renchérissement des coûts d’aménagement et d’entretien du réseau existant.

4.2. Les efforts de modernisation des réseaux et les difficultés rencontrées

Devenu indépendant, le Gabon entreprit son désenclavement en aménageant un premier axe Nord-Sud, de 876 kilomètres, reliant le Cameroun (au nord) et le Congo (au sud). Ensuite, une seconde voie de 887 kilomètres, de Libreville à la frontière congolaise par le sud-est du Gabon (Ndjambou 2008 : 213). Néanmoins, la baisse de la production pétrolière du pays réduisit les budgets de l’État, dès la décennie 1980 et entrava l’entretien routier et le renouvellement du matériel. Ainsi, jusqu’en 1993, seuls 468 kilomètres bitumés avaient été réalisés.

De ce fait, dès le début de la décennie 1990, le gouvernement gabonais a dû solliciter le concours financier de la Banque Africaine de Développement (BAD), de la Banque Islamique de Développement (BID) et de la Caisse Française de Développement (CFD) pour mettre en place le « Programme d’Aménagement du Réseau Routier (PARR) » et le « Programme Triennal d’Entretien Routier (PTER) ». Cependant, les difficultés budgétaires de la période 1994-1996, amènent à restructurer, à partir de 1997, l’entretien routier, par la création du « Fonds d’Entretien Routier (FER) ». La restriction des crédits et la lourdeur de la mobilisation des fonds obligent à créer un « Fonds d’Entretien Routier de Seconde Génération » dit « FER 2 ».

Le réseau ferroviaire est récent. Le chemin de fer national « Transgabonais » est orienté vers la côte, car il était voué initialement à l’évacuation, vers le port minéralier d’Owendo, des minerais d’uranium et de manganèse extraits dans la province du Haut-Ogooué (Sud-Est du pays)[2]. Aujourd’hui cette voie, comprenant principalement les tronçons Owendo-N’djolé (183 kilomètres), N’djolé-Booué (157 kilomètres), Booué-Lastourville (145 kilomètres) et Lastourville-Franceville (163 kilomètres) (Ndjambou, 2008), permet l’évacuation du manganèse tout en stimulant l’exploitation forestière dans les zones qui lui sont périphériques, dites ZAC. Toutefois, le « Transgabonais », relevant de l’Office du Chemin de fer Transgabonais (OCTRA), était confronté aux problèmes de trésorerie qui ont induit sa concession, dès 1999. Ce regroupement des entreprises conduit par la Société Nationale des Bois du Gabon (SNBG), confrontée elle-même à une crise de trésorerie, finit par perdre la gestion le 15 mai 2003. D’abord confiée à la Compagnie Minière de l’Ogooué (COMILOG), la filiale gabonaise du groupe ERAMET (Ndjambou, 2008), pour un essai de quatre mois, la nouvelle gestion s’est avérée finalement concluante et a été confirmée fin 2003 par la mise en place de la Société d’Exploitation du Transgabonais (SETRAG), entité de COMILOG. En mai 2005, l’entente s’est concrétisée par la mise en concession, pour une durée de 30 ans, du Transgabonais à la société minière.

4.3. Les perspectives d’aménagement des réseaux intérieurs, les projets miniers et les nouvelles ambitions portuaires nationales

Il est prévu de nouveaux aménagements de réseaux terrestres dans la perspective de la mise en valeur future du gisement de fer de Bélinga (nord-est du pays). Évalué par la China National Machinery and Equipment and Export Corporation (CMEC), dès 2006, à 1 600 milliards de francs CFA, le projet d’exploitation des minerais de fer du Gabon devrait engendrer, entre autres, d’importants travaux ferroviaires, routiers et portuaires. Les partenaires chinois qui s’y sont engagés se proposaient d’assumer la globalité des investissements, comprenant notamment l’ouverture de la mine et l’aménagement des infrastructures connexes indispensables au projet. Parmi celles-ci figurait principalement la construction de trois tronçons ferroviaires. Le premier d’environ 560 kilomètres, via les gares fonctionnelles de Booué et Ntoum, impliquant la modernisation de la voie ferrée existante, notamment les 340 kilomètres entre Owendo et Booué, partira de la mine au futur port d’exportation du minerai situé dans les environs de Libreville. Le second, allant de Lastourville à Okondja, sera destiné à évacuer le manganèse dont l’extraction est programmée dans cette dernière localité (Ndjambou 2008 : 224-225). Le troisième est une bretelle à créer entre Booué et Bélinga, à laquelle sera parallèle un axe routier. Pour sa part, l’État gabonais devait prendre en charge, dans la même région, la modernisation de la route Lalara-Koumameyong-Ovan-Makokou (en cours de bitumage). La plate-forme portuaire de Port-Gentil semble plus concernée par les nouveaux aménagements. En effet, située à près de 90 miles nautiques (soit 167 kilomètres) de Libreville, cette ville est une presqu’île bordée par l’océan Atlantique au nord et à l’ouest, puis par la baie à l’est et au sud. Après avoir été longtemps connectée par les voies fluviale et aérienne, elle sera prochainement joignable par un axe routier en cours d’achèvement, dont l’aménagement est consécutif au projet de création de la « Zone Franche de l’Ile Mandji », dans les environs de Port-Gentil. Cet axe routier, de 336 kilomètres, permettra d’atteindre les localités d’Omboué et Yombi, situées respectivement à 93 et 243 kilomètres (Ndjambou 2014 : 113).

Aboutissant à la route nationale n°1, ce nouvel axe connectera, par la voie terrestre, Port-Gentil aux agglomérations de Libreville, Lambaréné et Mouila et plus largement aux régions de l’Ogooué-Maritime, de la Ngounié, du Moyen-Ogooué, de l’Estuaire, tout en permettant de surmonter la servitude de l’enclavement de la ville. Par ailleurs, la quête de trafics au-delà du territoire gabonais passe par la jonction des réseaux routiers et ferroviaires nationaux à ceux des pays limitrophes, de manière à capter une partie des cargaisons en provenance ou à destination du Congo, de la République centrafricaine, de la République Démocratique du Congo et même du Soudan du Sud[3]. En effet, en achevant le bitumage du tronçon routier Lalara-Ovan-Makokou, puis en le prolongeant vers Mékambo[4], à la faveur de la mise en valeur prévue du fer de Bélinga et, en le raccordant au réseau voisin du Congo-Brazzaville, les ports gabonais se doteront d’un hinterland international (fig. 5).

Fig. 5: L’hinterland international potentiel à conquérir par les ports gabonais

C:\Users\USER\Desktop\carte Epiphane projet route CEMAC et Port 2.png

Source : Loungou Serge et Ndjambou Léandre Edgard, Réalisation : Elemy Brice Alain, CERGEP-UOB, mai, 2022

Cette connexion au territoire congolais favorisera un accès aisé aux États sans littoral ou semi-enclavés (République centrafricaine, Tchad, partie occidentale de la République Démocratique du Congo et même le Soudan du Sud…) et évitera aux cargaisons induites de parcourir l’espace transfrontalier dit des Plateaux Batékés en territoire gabonais. En effet, celui-ci enregistre régulièrement des éboulements de terrain du fait de la structure sablo-argileuse des sols qui les rend très fragiles. De ce fait, les axes routiers aménagés dans ladite zone peuvent être fermés à la circulation pour des périodes plus ou moins longues. C’est le cas du tronçon Franceville-Léconi-Brazzaville (Ndjambou 2014 : 120-121).

Cette réflexion menée à l’échelle nationale nécessitera de prendre en compte les projets d’aménagement des infrastructures de transport élaborés à l’échelle sous-régionale et continentale.

À l’échelle sous-régionale, les Chefs d’État de la CEMAC et ceux de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) ont décidé de se doter d’un projet commun d’aménagement des infrastructures de transport : le Plan Directeur Consensuel des Transports en Afrique Centrale (PDCT-AC). Ce projet communautaire a été adopté le 27 janvier 2004 à Brazzaville lors de la 11e conférence ordinaire des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEEAC. Le PDCT-AC (fig. 6) vise à court et moyen terme l’interconnexion des États de la sous-région via les infrastructures de transport (voies ferrées, routières et voie fluviale) (Mouvondo 2020 : 313).

Fig.6 : Réseau routier consensuel de l’Afrique centrale (PDCT-AC)

C:\Users\USER\Desktop\Carte Routes CEMAC Epiphane 2022.png

Source : BSR-AC, 2015, figure modifiée par Mouvondo, E., UOB, CERGEP, octobre 2020

À l’échelle continentale, les perspectives d’aménagement des infrastructures obéiront au Programme de Développement des Infrastructures en Afrique (PIDA) (tabl.4).

Tabl.4: Synthèse du programme pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA) : interconnecter, intégrer et transformer un continent

Source : Rapport du Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (PIDA) : interconnecter, intégrer et transformer un continent (2010 : 19-21). https://au.int/sites/default/files/pressreleases/29682-other-pida_french_0107.pdf

Conclusion

La réflexion menée sur l’état des ports d’Owendo et de Port-Gentil met en exergue les maux qui minent la compétitivité de ces points de rupture de charge. En effet, malgré les efforts d’aménagement de ces infrastructures portuaires issus des investissements publics et privés des insuffisances sont encore enregistrées. Ces écueils sont de trois ordres : les carences technologiques et logistiques, les limites liées à la gouvernance portuaire et la mauvaise qualité des voies de desserte intérieure. Conscients des enjeux de diversification économique, les pouvoirs publics ont accentué le partenariat public-privé dans le secteur portuaire par l’entremise des acteurs internationaux. Ainsi, le Groupe Olam International a réalisé deux nouvelles infrastructures portuaires à Owendo (le port minéralier et le port cargo à conteneur) via sa filiale GSEZ. Toutefois, ces efforts se heurtent aux goulots d’étranglement des infrastructures de transport terrestre. Ces dernières, par leur état moyen, entravent la desserte des localités de l’intérieur du pays et compromettent la stratégie de conquête du fret de l’hinterland international (Congo-Brazzaville, République Démocratique du Congo et Soudan du Sud). Les travaux d’aménagement routier de la Transgabonaise entamés en 2020 et ceux du tronçon Port-Gentil-Omboué-Yombi en cours d’achèvement apparaissent comme des investissements nécessaires pour améliorer les connexions encore disparates des liaisons de l’intérieur du pays.

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https://au.int/sites/default/files/pressreleases/29682otherpida_french_0107.pdf
(dernier accès octobre 2022).


Auteurs

Brice IBOUANGA
Chargé de recherche (CAMES) en Géographie
Institut de Recherche en Sciences Humaines (Libreville-Gabon)
Courriel : brice.ibouanga@yahoo.fr

Epiphane MOUVONDO
Docteur en Géographie
Enseignant-chercheur
Centre d’Études et de Recherches en Géosciences Politiques et Prospective (CERGEP) Département des Sciences Géographiques, Environnementales et Marines, Université Omar Bongo (Libreville-Gabon)
Courriel : filsmouvondo5000@yahoo.fr

Léandre Edgard NDJAMBOU
Maître de Conférences (CAMES) en Géographie
Enseignant-chercheur
Centre d’Études et de Recherches en Géosciences Politiques et Prospective (CERGEP) Département des Sciences Géographiques, Environnementales et Marines, Université Omar Bongo (Libreville-Gabon)
Courriel : Ndjambou_leandre@yahoo.fr

Auteurs correspondant

Epiphane MOUVONDO
Courriel : filsmouvondo5000@yahoo.fr

© Édition électronique
URL – Revue Espaces Africains : https://espacesafricains.org/
Courriel – Revue Espaces Africains : revue@espacesafricains.org
ISSN : 2957-9279
Courriel – Groupe de recherche PoSTer : poster_ujlog@espaces.africians.org
URL – Groupe PoSTer : https://espacesafricains.org/poster/

© Éditeur
– Groupe de recherche Populations, Sociétés et Territoires (PoSTer) de l’UJLoG
– Université Jean Lorougnon Guédé (UJLoG) – Daloa (Côte d’Ivoire)

© Référence électronique

Brice IBOUANGA, Epiphane MOUVONDO, Léandre Edgard NDJAMBOU, « Ports et développement des réseaux intérieurs, le cas d’Owendo et de Port-Gentil au Gabon », Revue Espaces Africains, (En ligne), 2 | 2022 (Varia), Vol.1, ISSN : 2957- 9279, mis en ligne, le 30 décembre 2022.

  1. En dépit de l’appel à manifestation d’intérêt qui empêchait les entreprises détenant 50% des activités portuaires de soumissionner, le groupe SDV/Bolloré a candidaté par l’intermédiaire d’un prête-nom espagnol « PIP/Puertos de Las Palmas ».
  2. Avant l’exploitation du « Transgabonais », l’éloignement des sites portuaires du pays contraint les responsables de la COMILOG, en accord avec les autorités du Gabon, à retenir, entre 1962 et 1989, la formule de l’évacuation du minerai par le territoire congolais voisin. Ce corridor combinait la route de la mine de Moanda aux installations du téléphérique, le transport par bennes (76 kilomètres) jusqu’à la localité frontalière de Mbinda, la voie ferrée privée menant à Mont Belo, le chemin de fer Congo-Océan jusqu’à Pointe-Noire.
  3. En définitive, l’objectif recherché est de connecter les ports gabonais à un arrière-pays international, fut-il lointain, en les intégrant à certains corridors ou projets en cours de réalisation, notamment celui dit Lamu-Port-Southern-Sudan-Ethiopia Transport Corridor Projet (LAPSSET).
  4. Cette réalisation « nationale » se connectera alors au « projet d’aménagement de la voie Libreville-Lalara-Ovan-Makokou-Mékambo-Ekata-Kékélé-Mbomo-Etoumbi-Makoua (Code RC 26) » de la Commission Economique pour l’Afrique/ Bureau sous-régional pour l’Afrique Centrale (CEA/BSR-AC).In Ndjambou et Loungou 2014 : 121.
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