Espaces Africains

 


Analyse par imagerie satellitaire de la dynamique de l’occupation du sol dans les rivières du Sud : De la basse Casamance (Sénégal) au Rio Gêba (Guinée Bissau) 

Satellite imagery analysis of land use dynamics in southern rivers : From the lower Casamance (Senegal) to the Rio geba (Guinea Bissau)


Dome TINE – Mbagnick FAYE – Gayane FAYE – Guilgane FAYE

 

Résumé

Le changement climatique impacte souvent sur l’évolution des unités d’occupation du sol. Il entraîne des mutations sur le milieu physique qui affectent profondément le fonctionnement du système terrestre. La connaissance de l’ampleur de ces changements représente des enjeux importants dans la lutte contre la dégradation des ressources naturelles. L’objectif de cette étude est de suivre les changements spatio-temporels de l’occupation du sol dans cette portion des Rivières-du-Sud, qui s’étend de la Basse Casamance (Sénégal) au rio Gêba (Guinée-Bissau). La méthodologie adoptée repose sur une comparaison post-classification des cartes d’occupation du sol de 1973, 1986, 2003 et 2018. La classification supervisée et l’algorithme maximum de vraisemblance ont été utilisés. Les résultats montrent un accroissement considérable des terres salées, des vasières et de la végétation continentale avec des gains en superficie respectivement de 3,29%, 3,3% et 7,43%. Cependant, les superficies de mangrove ont connu une évolution peu significative entre 1973 et 2018. La spatialisation des changements montre que l’estuaire de la Casamance et ses bordures sont plus touchés par l’avancée des terres salées et les vasières que le reste de l’espace étudié. La régression du couvert végétal est observée au nord de la Basse Casamance, au nord de l’estuaire de Cacheu tandis que les progressions sont observées au sud du Rio Gêba, au nord du Rio Mansoa.

Mots-clés : États de surface, Rivières du Sud, Sénégal, Guinée-Bissau

Abstract

Climate change often impacts on the evolution of land use units. It leads to changes in the physical environment that profoundly affect the functioning of the earth system. Knowledge of the extent of these changes is an important issue in the fight against the degradation of natural resources. The objective of this study is to monitor spatial and temporal changes in land use in this portion of the Rivières-du-Sud, which extends from the Lower Casamance (Senegal) to the Rio Gêba (Guinea-Bissau). The methodology adopted is based on a post-classification comparison of land use maps from 1973, 1986, 2003 and 2018. Supervised classification and the maximum likelihood algorithm were used. The results show a considerable increase in salt land, mudflats, and continental vegetation with area gains of 3.29%, 3.3% and 7.43% respectively. However, mangrove areas have not changed significantly between 1973 and 2018. The spatialization of the changes shows that the Casamance estuary and its borders are more affected by the advance of salt land and mudflats than the rest of the studied area. The regression of the vegetation cover is observed north of Lower Casamance, north of the Cacheu estuary, while increases are observed south of Rio Gêba, north of Rio Mansoa.

Keywords: Surface states, Southern rivers, Senegal, Guinea-Bissau

Introduction

Le changement climatique commence à transformer profondément les écosystèmes terrestres. De nombreuses études ont souligné les sécheresses intermittentes que l’Afrique de l’Ouest a connu depuis les années 1970. Ces fluctuations climatiques ont entraîné des changements d’occupation du sol qui affectent, le fonctionnement du système terrestre, notamment le climat, mais également le cycle de l’eau, la biodiversité et l’ensemble des services écosystémiques (Lambin et al., 2003 : 232 ; Davranche et al., 2015 : 1 ; Hassan et al., 2019 : 1). Les changements d’occupation du sol sont généralement dus à de multiples facteurs qui interagissent entre eux et qui varient dans le temps et dans l’espace à l’interface Homme/Nature (Corgne 2014 : 13). Parmi ces facteurs, le changement climatique joue un rôle fondamental. En effet, les différents rapports du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) prévoient une augmentation des températures entre 2° et 6°C à l’horizon 2050-2100, une variabilité climatique et une hausse des niveaux marins (Tine et al., 2022 : 2). Ces modifications climatiques entraînent des changements d’occupation du sol et perturbent le fonctionnement des écosystèmes.

La zone d’étude est une portion du littoral Ouest Africain caractérisée par une succession de deltas et d’estuaires communément appelée les Rivières-du-Sud (Diop 1990 : 5 ; Cormier-Salem 1999 : 17 ; Andrieu 2010 : 23). Elle est caractérisée également par une densité de couvert végétal qui joue un rôle important dans le microclimat local. La transformation du couvert végétal modifie sensiblement le bilan radiatif à l’échelle locale. Les fortes quantités de précipitation annuelle combinées à la densité du couvert végétal assurent le maintien d’une forte humidité. Cependant, tout changement dans la couverture végétale est donc susceptible d’avoir un impact sur le bilan radiatif et le climat à différentes échelles (Dubreuil et al., 2008 : 79).

Les Rivières du Sud sont impactées par les fluctuations climatiques marquées par la recrudescence des sécheresses depuis les années 1970. La région est constamment sous l’influence marine. La salinité des eaux joue un rôle important dans l’évolution du couvert végétal. L’augmentation de la teneur en sel dans les eaux et le sol, liée aux variations climatiques, entraîne l’extension des terres salées et la dégradation des formations végétales. La baisse de la fertilité des sols entraîne la disparition du carbone organique des sols et l’augmentation de l’émission de carbone dans l’atmosphère, accentuant ainsi le changement climatique. La disparition de la végétation sur les terres dégradées modifie également le microclimat local en diminuant l’humidité (UNCCD 2015 :8). La dégradation des terres aggrave le changement climatique dû au CO2 en raison du rejet de CO2 à partir de la végétation arrachée ou morte et par la diminution de la capacité de fixation du carbone des sols dégradés (OMM 2005 : 10). Compte tenu de l’ampleur actuel du changement climatique, il est important d’évaluer l’évolution de ces unités d’occupation du sol pour plus d’information à la prise de décision. L’objectif de cette étude est de suivre l’évolution des unités d’occupation du sol dans le secteur des Rivières-du-Sud. Les résultats portent sur l’analyse des statistiques de l’évolution dans chaque unité d’occupation du sol sur la période d’observation tandis que dans la discussion, ils sont interprétés à la lumière des travaux antérieurs similaires.

1. Données et méthodes

1.1. Zone d’étude

Les Rivières du Sud s’étendent sur une vase façade littorale qui va du Saloum (Sénégal) à la Mellancorée en République de Guinée. L’espace étudié se situe dans la partie septentrionale qui est comprise entre 11° 28’ et 13°11’ de latitude nord et 16°48’ et 15°06’ de longitude ouest et qui s’étend de la basse Casamance au Rio Gêba (fig. 1). Cette frange littorale est caractérisée, du point de vue géologique, par le bassin sédimentaire sénégalo-mauritanien d’âge méso-cénozoïque qui s’étend du Cap Blanc en Mauritanie au Cap Roxo en Guinée Bissau et le bassin de Bowé qui occupe le sud et sud-est du Rio Gêba. C’est un milieu de transition entre les domaines maritime et continental avec une topographie relativement basse tout au long de la zone côtière. Ce relief est dominé par des marais maritimes constitués à l’état naturel par des vasières à mangroves, domaine de prédilection des palétuviers (Rhizophora mangle et Avicennia africana en particulier) avec des vasières plus fines dans la partie sud (Diop 1990 : 24). Le domaine étudié est marqué par un réseau hydrographique dense composé de cours d’eau et de chenaux d’eau salée (bolongs) envahis constamment par les marées. Au point de vue climatique, le milieu étudié appartient au domaine libéro-guinéen au sud (Pennober 1999 : 87) qui est une sous-division du climat tropical.

Fig. 1: Situation géographique de l’espace étudié.

1.2. Les données satellitaires et leurs traitements

Les données utilisées pour cette analyse et ces évaluations sont extraites d’images satellites. Particulièrement, quatre scènes ont été utilisées aux dates suivantes : 1973, 1986, 2003 et 2018. Les images Landsat retenues pour cette étude ont été choisies sur la base de leur disponibilité, de leur accessibilité libre et gratuite, mais aussi de leur ancienneté qui couvre une période allant de 1972 à nos jours. Les images satellitaires ont été obtenues à partir de la plateforme Google Earth Engine (GEE) et de Climat Engine et acquises en saison sèche notamment entre février et mai. Elles ont déjà subi les corrections nécessaires dans l’optique d’augmenter la qualité de l’information et minimiser l’incertitude sur la qualité des données. Le choix des images en saison sèche permet de discriminer le couvert végétal du couvert herbacé. La réflectance de ces deux types de végétation se confond lorsque les images sont acquises en saison pluvieuse ou juste à la fin de celle-ci.

1.3. Traitement des images satellitaires

1.3.1. Analyse des signatures spectrales des principales unités d’occupation du sol

La réflectance des unités d’occupation du sol (fig.2) dépend de leurs caractéristiques intrinsèques ainsi de leur état de surface. L’humidité, la rugosité et d’autres éléments qui varient en fonction du temps influent sur la réflectance des entités d’occupation du sol. Les terres salées réfléchissent différemment en fonction des saisons et des états de surface. En saison sèche, sous l’effet de la forte évaporation, le sel a tendance à se concentrer au niveau des couches superficielles du sol. En fonction de leur degré de salinité, certains sols salés sont couverts généralement de végétation herbacée ou arbustive qui fait que leur signal se mélange avec celui de cette matière organique en surface. Seuls les sols salés nus, sont identifiables dans les domaines spectraux du visible et de l’infrarouge. La teneur en eau des vasières leur confère une signature spectrale identique à celle de l’eau. La différenciation de ces unités d’occupation du sol se trouve dans l’infrarouge petite longueur d’ondes (SWIR 1) où les tannes réfléchissent fortement. Les vasières et la mangrove ont un signal un peu fort dans le canal bleu en raison de la teneur en eau. La végétation continentale enregistre toujours un pic dans le proche infrarouge qui se trouve être par ailleurs le canal approprié pour estimer le couvert végétal.


Fig. 2 : Signature spectrale des principales unités d’occupation du sol (Source : Landsat-8, 2018)

Source : Auteurs, 2022.

1.3.2. L’indice NDVI (Normalized différence Végétation Index)

L’indice NDVI permet de générer une image affichant la couverture végétale. Il repose sur le contraste des caractéristiques de deux canaux dont l’absorption du pigment chlorophyllien dans le canal rouge (R) et la haute réflectivité des matières végétales dans le canal proche infrarouge (NIR) (Diédhiou & Tine 2022 : 168). Il est le plus couramment utilisé pour étudier les modifications de la couverture végétale à grande échelle (Solly et al., 2022 : 2). Il est obtenu en faisant le rapport suivant :

L’indice NDVI est compris entre -1 et +1. Les valeurs négatives désignent les types de surface à couvert non végétal et pour lesquelles la réflectance dans le Rouge est supérieure à celle du Proche infrarouge. Pour les sols nus, la réflectance étant à peu près du même ordre de grandeur dans le rouge et le proche infrarouge, le NDVI présente des valeurs proches de 0. Les formations végétales, quant à elles, possèdent des valeurs de NDVI positives. Plus la valeur est élevée, plus le couvert végétal est dense.

1.3.3. Classification des images satellitaires

L’objectif de la classification est de traduire les informations spectrales en classes thématiques en identifiant la classe à laquelle appartiennent chacun des objets contenus dans l’image. Il s’agit d’affecter à chaque pixel, une classe représentant l’objet sur l’image. C’est un processus de tri de pixels en un nombre fini de classes individuelles, ou catégories de données, basé sur les valeurs radiométriques d’une image multispectrale. Il s’agit d’identifier d’abord des sites d’entraînement c’est-à-dire les échantillons assez homogènes de l’image qui sont représentatifs de différents types de surfaces. Ces échantillons sont ensuite utilisés pour définir les classes spectrales qui les représentent. Pour générer nos cartes d’occupation du sol, la méthode de classification supervisée et l’algorithme « maximum de vraisemblance » ont été utilisées. L’algorithme du « maximum de vraisemblance » est très utilisé dans les classifications supervisées en raison de sa robustesse et de sa disponibilité dans presque tous les logiciels de traitement d’images de télédétection (Soro et al., 2014 : 150 ; El Kharki et al., 2015 : 25).

1.4. Détection des changements d’occupation du sol

La détection des changements passe par la réalisation des cartes d’occupation du sol de 1973, 1986, 2003 et 2018. Ces cartes sont croisées deux à deux pour générer des cartes de changement et une matrice qui traduit l’évolution des différentes classes thématiques entre ces deux dates (Hoang et al., 2009 : 231 ; Andrianarivo et al., 2015 : 39). Pour détecter les changements survenus entre deux images et permettre une visualisation des espaces ayant évolué, un recodage des différents thèmes a été effectué. Les résultats de la classification supervisée sont comparés et une matrice de changement a été générée afin d’apprécier les fluctuations spatio-temporelles des unités d’occupation du sol. La cartographie de l’occupation du sol ne renseigne pas sur la nature des changements spatio-temporels et de leurs superficies. L’intégration des informations dans une base de données SIG permet d’obtenir assez facilement certaines statistiques ainsi qu’une forme de cartographie de l’évolution de l’occupation du sol. La qualité des résultats dépend de la précision et de la bonne superposition de chacune des classifications. Les limites de cette méthode sont liées parfois à son caractère sur-estimatif des changements d’occupation du sol.

1.5. Description des unités d’occupation du sol typiques du milieu

1.5.1. Les vasières

La formation des vasières le long du littoral sénégalais et bissau-guinéen s’explique par les agitations de la houle du Nord et le forçage climatique capable d’édifier des flèches littorales sableuses à progression nord-sud qui tendent à fermer les embouchures d’estuaires. Les vasières sont localisées le long des fleuves et affluents (fig. 3). Leur différence avec les tannes réside dans leur fonctionnement nettement plus influencé par les apports en sédiments et en eaux du plateau continental (Sadio 1991 : 17). Les vasières constituent le milieu de formation des marais maritimes sur le rivage des mers à marée. Les sédiments qui caractérisent ces vasières sont les sables fins, des débris de matière organique, elles sont faites de dépôts fins, argileux, plus ou moins calcaires. Les vasières ourlent les chenaux de marée et correspondent à la partie topographiquement basse des slikkes, régulièrement recouverte par les eaux marines. Elles se développent dans la zone de fluctuations des marées.

Fig. 3 : Vasières le long du marigot de Bignona, à hauteur d’Affiniam.

Source : Auteurs, 2022.

1.5.2. Les tannes (terres salées)

Les tannes désignent « des étendues sans végétation à l’arrière des mangroves, qui ne sont pas atteintes par la submersion quotidienne, sauf avec de très grandes marées, mais subissent une alternance d’inondation et d’assèchement que favorise le climat tropical » (Vieillefon 1968 : 2). Sadio (1991 : 7) définit les tannes comme « toute surface nue ou couverte de végétation mais affectée par une salinité (fig. 4) qui ne permet pas son utilisation agricole. Leur taux de salinité très élevé justifie l’absence totale de végétation. Les tannes peuvent être assimilés à d’anciennes vasières à mangrove qui ne sont plus submergées régulièrement (Faye 2016 : 474). Les tannes se développent à l’arrière des vasières et peuvent être subdivisés en tannes nus et en tannes herbus. Les premiers sont des étendues sursalées et dépourvues de végétation (fig.4A) tandis que les seconds sont colonisés par une végétation herbacée (fig. 4B) et marquent la limite supérieure de l’influence des marées.


Fig. 4 : Tannes herbus (A) et tannes vifs (B) localisés respectivement à Enxude (Guinée-Bissau) et en Tendouck

(Basse Casamance/Sénégal).

Source : Auteurs, 2022.

1.5.3. La mangrove

Selon Marius (1985 : 13), la mangrove désigne au sens large du terme « l’ensemble des formations végétales, arborescentes ou buissonnantes, qui colonisent les atterrissements intertidaux marins ou fluviaux des côtes tropicales ». Elle évolue dans les deltas, les lagunes de bordure de mer (fig. 5) et dans les embouchures des fleuves tropicaux jusqu’aux points où disparaissent les ondes de marées : la mangrove est alors assimilée à une formation végétale. La mangrove comme écosystème particulier, fait la jonction entre le continent et la mer. Elle est assimilée aux marées, c’est un espace géomorphologique proche du niveau supérieur des marées, sur lequel des végétaux particuliers (palétuviers) se développent. Les mangroves du milieu étudié constituent des écosystèmes côtiers qui occupent de vastes étendues et très riches en biodiversité. Les mangroves sont localisées généralement au niveau des estuaires et leur densité diminue au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la zone d’influence océanique.

Fig. 5 : Échantillon de mangrove à Ondame au nord de la Guinée-Bissau

Source : Auteurs, 2022.

1.5.4. La végétation continentale

La diversité floristique dans la zone d’étude est très réduite. Elle est composée de végétation continentale et de la végétation herbacée. La végétation continentale est composée de deux (02) formations : la forêt claire, caractérisée par une strate arborée de moyens à grands arbres et une strate arbustive, La forêt dense marquée par une formation végétale arborée continue et le domaine des palmeraies (fig. 6) composé d’une strate arborée largement dominée par le Palmier à huile et d’une strate arbustive de lianes et de buissons (Andrieu 2008). La végétation herbacée reste très réduite dans la région et elle est localisée dans les rizières et dans les vasières en saison non pluvieuse.

Fig. 6 : Végétation continentale constituée de strate arborée, arbustive et de palmier à huile à Canchungo (Guinée-Bissau)

Source : Auteurs, 2022.

2. Résultats

2.1. Dynamique des unités d’occupation du sol

L’étude de la dynamique des unités d’occupation du sol porte essentiellement sur les principales entités caractéristiques du milieu à savoir : la mangrove, les terres salées, les vasières et la végétation continentale.

2.1.1. Des superficies de mangrove plus ou moins stables

La dynamique spatio-temporelle de la mangrove est influencée par les effets des fluctuations climatiques qui constituent des menaces auxquelles sont soumises les formations végétales de mangrove. La montée du niveau marin constitue également une menace sur la mangrove. Bien qu’elle soit adaptée aux milieux saumâtres, la mangrove ne peut jouer un rôle d’atténuation que pendant une courte période face à une montée rapide et importante du niveau de la mer (Roche & Van Cu 2014 : 6). Elle joue plusieurs rôles écologiques. Elle se développe sur les zones littorales soumises à l’influence des marées et les protège contre l’érosion de la côte par le vent et les vagues. La superposition des cartes d’occupation du sol a mis en exergue la dynamique spatiale de la mangrove en termes de progression, de régression et de stabilité (tabl. 1).

Tabl. 1 : Évolution des superficies des mangroves (en hectare) entre 1973 et 2018

Source : Auteurs, 2022.

La régression du couvert végétal de mangrove est observée aux environs des atterrissements intertidaux marins, estuariens et fluviaux (fig. 7) et sont plus remarqués pendant la période 1973-1986 tandis que son développement s’observe le long des côtes en raison des bonnes conditions climatiques surtout de l’humidité du sol. Les sécheresses qu’a connues l’Afrique de l’Ouest ont eu un incident sur la mangrove. Du point de vue spatial, les changements peuvent être de nature régressive ou progressive en fonction du milieu. La stabilité de la mangrove est observée à l’intérieur des estuaires où les conditions physico-chimiques ne sont pas encore altérées.

Entre 1986-2003 la mangrove a enregistré une progression de 11,24% et une régression de 10,3% soit un gain de 0,94%. Durant la période 1973-1986 la mangrove a perdu 18,07% de ses superficies. Cette dégradation peut être liée à une sursalure des eaux et des sols de mangrove. Entre 1986 et 2018, la mangrove s’est considérablement développée malgré une baisse de la pluviométrie par rapport à la normale 1961-1990. Cette régénération de la mangrove peut être naturelle ou anthropique. De nombreuses campagnes de reboisement sont menées dans la région et certains estuaires comme celui du Rio Cacheu ont été érigés en Aire Marine Protégée (AMP). Ces prises de décision favorisent la régénération des formations de mangrove.

Au cours de la période étudiée, la mangrove est restée très dynamique. Une régression de 34,66% est observée entre 1973 et 1986. Ce qui semble être une réponse directe aux fluctuations pluviométriques qui jouent par ailleurs un rôle important dans la désalinisation des eaux et des terres. Une forte régression est notée entre 1986 et 2003 tandis que pendant la période 2003-2018, la mangrove a connu une légère progression de 5,73%. Globalement, les superficies de mangrove ont connu une alternance de régression et de progression entre 1973 et 2018. Cette évolution positive et séquentielle est liée au retour progressif à de meilleures conditions pluviométriques dans les années 2000.

Fig. 7 : Spatialisation des changements survenus au sein de la mangrove au cours de la période 1973-2018

G:\Nouvelles_Cartes_Changement\Mangrove_1973_2018.jpg

2.1.2. Une extension des superficies des terres salées

Les terres salées sont composées de tannes nues, tannes herbues et de tannes arbustives. Les deux derniers sont difficilement identifiables sur les images Landsat en raison de leur résolution spatiale. Les terres salées qui ne sont pas envahies périodiquement par les eaux de mer ou des bolongs ont tendance à ressembler aux sols nus du point de vue réflectance. Elles sont mises en évidence par une composition colorée fausses couleurs infrarouge, lorsqu’il y’a une concentration de sel dans les couches superficielles du sol. Les terres salées couvertes de végétation herbacées changent de réflectance contrairement aux tannes vives. Ces confusions posent par ailleurs un problème d’estimation de leur superficie à partir des images satellitaires à moyenne résolution spatiale. Pour pallier ces problèmes, le recours à l’imagerie satellitaire très haute résolution ainsi qu’à leurs techniques de traitement avancées constituent une alternative. Toujours dans l’optique de minimiser les erreurs, les systèmes de positionnement par satellite peuvent jouer un rôle important dans la quête d’informations précises sur les ressources naturelles en général.

La dynamique spatiale des terres salées présente des tendances suivant un gradient sud-nord (fig. 8). Les terres salées sont plus étendues en Basse Casamance qu’en région Guinéenne. Le facteur climat peut jouer un rôle important dans cette répartition spatiale. L’absence de régression de ses superficies justifie le caractère irrécupérable des tannes. Tout au long de la série, nous avons noté un accroissement des terres salées avec un gain de 48,67% entre 1973 et 1986, 22,96% entre 1986 et 2003 et 6,69% entre 2003 et 2018 (tabl. 2).

Tabl. 2 : Évolution des superficies des terres salées (tannes) (en hectare) entre 1973 et 2018

Source : Auteurs, 2022.

Les causes de cette extension sont largement débattues dans la littérature scientifique. Elles obéissent à un double processus. Pendant la saison pluvieuse, les précipitations augmentent les débits des cours d’eau salés et inondent les terres non salées. La salinisation s’effectue par le débordement de ces eaux salées sur les terres non contaminées par le sel. Et au fur et à mesure que le processus continu, ces terres deviennent inaptes à l’agriculture du fait de l’augmentation de la salinité. La faiblesse des dénivellations facilite le processus. La progression annuelle des espaces salés est favorisée par certains éléments caractéristiques du milieu. Les sols peuvent être touchés par le sel par remontée capillaire des nappes salées. Pendant la saison sèche, les fortes températures entraînent une évaporation intense qui induit une concentration du sel dans les couches superficielles du sol. Ce processus est accentué par le déficit pluviométrique qui, pendant l’hivernage les faibles quantités de précipitations reçues, n’entrainent plus le dessalement des terres salées. La baisse du débit des cours d’eau a entraîné la remontée de la langue salée et leur salinisation.

En Guinée Bissau, les tannes constituent le dernier étage de la toposéquence dans la partie où la salinité et la submersion ne permettent plus le développement des formations végétales. Les facteurs déterminants de la zonation sont en effet la salinité et la topographie. La mangrove rhizophora supporte des salinités de 40 à 50 g/l et jusqu’à 65 g/l pour avicennia plus résistant et l’on trouve des concentrations de 90 g/l sur les tannes (Pennober 1999 : 141). En Basse Casamance où les apports d’eaux douces sont moins importants et des températures plus élevées qu’en Bissau, la salinité devient plus importante dépassant le degré de tolérance des formations de mangrove. La dégradation de cette dernière aux marges de l’estuaire peut être due à cette forte teneur en sel dans les eaux et dans le sol.

Fig. 8 : Spatialisation des changements survenus au sein des terres salées au cours de la période 1973-2018

G:\Nouvelles_Cartes_Changement\Tannes_1973_2018.jpg

2.1.3. Un accroissement des superficies des vasières

La dynamique spatiale des vasières dépend de plusieurs facteurs comme la marée, les eaux pluviales et les apports d’eau douce en amont des bassins-versants. Les vasières sont constituées par une accumulation de sédiments fins plus ou moins sableux provenant de l’érosion littorale et du transport sédimentaire des différents cours d’eau. L’alternance de la marée haute et de la marée basse joue un rôle important dans l’estimation des superficies occupées par les vasières.

Ces zones humides sont recouvertes d’eau selon l’amplitude de la marée et sont formées de deux unités géomorphologiques à savoir la slikke et le schorre. La première est inondée à chaque marée. Cet état de surface est difficilement identifiable sur les images à basse résolution spatiale d’où les confusions notées avec la classe eau. La deuxième est inondée seulement en marée haute ce qui l’amène à être facilement détectable sur l’image satellitaire. Les vasières à l’image des terres salées sont plus concentrées en Basse Casamance qu’en Guinée Bissau (fig. 9). Cette répartition spatiale suit la dynamique pluviométrique avec une baisse des précipitations du sud vers le nord et une augmentation des températures suivant le même gradient.

Tabl. 3 : Évolution des superficies des vasières (en hectare) entre 1973 et 2018

Source : Auteurs, 2022.

Les vasières ont régressé seulement entre 1986 et 2003 avec un gain de 24,21%. Parallèlement aux tannes, leur plus grand accroissement est noté entre 1973 et 1986 avec un gain de 52,64% de ses superficies. Entre 2003 et 2018 on note une légère augmentation de leur superficie (tabl. 3) à hauteur de 23,56%. Spatialement, entre 1973 et 2018, les vasières ont connu une progression de 67,87% et une régression de 15,20% soit un gain de 52,67%. Cette extension est facilitée par une topographie basse entraînant la remontée des eaux océaniques en période de vives eaux. La progression des vasières est notée surtout dans l’estuaire de la Casamance où la remontée de la langue salée et l’amplitude de la marée, par le biais de la platitude du relief, contrôle la dynamique des vasières. En Basse Casamance comme en région guinéenne, les vasières sont drainées par un réseau de chenaux de marée denses parfois peu profonds, tantôt perpendiculaires tantôt parallèles à la côte. En marée haute, ces chenaux assurent la propagation des eaux océaniques dans le continent.

Fig. 9 : Spatialisation des changements survenus au sein des vasières au cours de la période 1973-2018

G:\Nouvelles_Cartes_Changement\Vasières_1973_2018.jpg

2.1.4. Une augmentation des superficies de la végétation continentale

L’étage bioclimatique de la région est divisé en deux zones : humide et subhumide. Ces conditions climatiques favorisent le développement du couvert végétal forestier. La densité de la végétation est un élément caractéristique des régions du Sud. Bien que le changement climatique ait pris de l’ampleur ces dernières décennies, nous avons constaté à travers l’étude diachronique, que ses effets ne sont pas encore ressentis au niveau du couvert végétal forestier. La végétation a connu un accroissement de ses superficies tout au long de la période étudiée avec des gains respectifs de 14,47% entre 1973 et 1986, 16,54% entre 1986 et 2003 et 27,45% entre 2003 et 2018 (tabl. 4).

Tabl. 4 : Évolution des superficies de la végétation continentale (en hectare) entre 1973 et 2018

Source : Auteurs, 2022.

Cependant, l’analyse spatiale des changements a montré qu’il existe des zones où le couvert végétal a connu une régression. Ces espaces sont localisés au nord de la Basse Casamance dans le Département de Bignona, entre l’estuaire de la Casamance et celui du Rio Cacheu notamment à la périphérie de l’aire marine protégée de Cacheu. Les progressions sont observées vers le sud du Rio Gêba, au nord du Rio Mansoa toutes en région guinéenne (fig. 10). Cette croissance est liée à l’expansion des plantations de noix de cajou qui est actuellement le principal produit d’exportation de la Guinée‐Bissau. Toutefois, la densité des forêts naturelles diminue de plus en plus en raison de la pression qu’exercent les populations. Entre 1973 et 2018, le couvert végétal occupe 45% de la superficie totale de la région. La végétation est stable sur les côtes, aux environs des estuaires et joue un rôle très important dans le transit sédimentaire et l’érosion littorale.

Fig. 10 : Spatialisation des changements survenus au sein de la végétation continentale au cours de la période 1973-2018

G:\Nouvelles_Cartes_OS\Végétation_1973_2018.jpg

2.2. Analyse des changements d’occupation du sol

L’analyse des changements entre 1973 et 2018 a permis d’apprécier l’évolution des unités d’occupation du sol du milieu. L’analyse, l’interprétation et la présentation des résultats issus de la comparaison post-classificatoire deux à deux des trois images sont effectuées dans chaque intervalle de temps traité. L’examen du tableau 5 montre que les espaces occupés par les eaux sont plus stables. Aucune transition n’a été constatée pendant cette période. La matrice mette en exergue les changements affectant plus les vasières en termes de progression. Le changement le plus marquant est la progression de la végétation de 30% suivi de la mangrove avec 25% et des vasières avec 22%. La progression des ces trois entités entraine la réduction des terres peu boisées. Les tannes se sont converties en vasières à hauteur de 13% de leur superficie initiale. Le changement entre ces deux unités d’occupation du sol dépend des conditions climatiques et de l’intensité des marées.

Tabl. 5 : Matrice de changement des unités d’occupation du sol (en %) entre 1973 et 1986.

Source : Auteurs, 2022.

L’analyse de la matrice de changement entre 1986 et 2003 (tabl. 6), montre une forte conversion des terres peu boisées en végétation et en tannes respectivement à hauteur de 29% et 20%. Des confusions sont notées entre les cordons sableux et les tannes du fait de leur réflectance. À part ces derniers, les vasières restent l’unité la plus dynamique au cours de cet intervalle de temps avec 39% de ses superficies de 1986.

Tabl. 6 : Matrice de changement des unités d’occupation du sol (en %) entre 1986 et 2003.

Source : Auteurs, 2022.

Entre 2003 et 2018, ces entités d’occupation du sol ont connu des mutations tout en gardant plus de 70% de leurs superficies. Les mutations ne sont pas considérables et sont surtout notées au niveau des terres peu boisées, des tannes et des vasières (tabl.7). Le couvert végétal a connu des modifications dont 18% de sa superficie sont transformées en terres peu boisées. Cela signifie que la végétation n’est pas entièrement dégradée, mais le signal du sol nu est devenu plus fort que celui du couvert végétal. Dans les terres peu boisées, on y retrouve également les zones de culture pluviale qui sont presque des sols nus pendant la saison sèche.


Tabl. 7 : Matrice de changement des unités d’occupation du sol (en %) entre 2003 et 2018.

Source : Auteurs, 2022.

2.3. Évaluation des changements des unités d’occupation du sol

Dans l’optique de bien montrer l’évolution de chaque classe d’occupation du sol entre 1973 et 2018, une série de transformations ensemblistes a été utilisée. Cette méthode nous génère les statistiques en termes de superficie pour chaque classe entre deux dates. Elle nous permet également d’extraire les espaces stables, de régression et de progression. Les résultats de cette série de transformations ensemblistes, contenus dans le tableau 8, montrent que les espaces couverts jadis, par l’eau, notamment les eaux estuariennes, les bolongs et les cours d’eau, ont considérablement diminué sur toute la période étudiée, ce qui peut être lié aux effets du changement climatique. La régression des eaux estuariennes cède la place aux tannes qui présentent une importante progression sur toute la série avec un taux de 233% entre 1973 et 2018. Un fort taux d’évolution de 120% de la superficie des tannes sur une période de 14 ans (1973-1986) est enregistré pendant la période de recrudescence des épisodes de sécheresse en Afrique de l’Ouest.

Cette extension rapide des terres salées montre qu’il existe un lien étroit entre l’évolution climatique et la dynamique des terres salées. Une évolution similaire est notée au niveau de la végétation avec un taux d’évolution de 120% entre 1973 et 2018. Malgré les fluctuations climatiques constatées ces dernières décennies, le couvert végétal forestier a connu une progression de ses superficies. Ces résultats sont différents de ceux obtenus à travers l’analyse des séries temporelles du NDVI effectuée sur la base de la moyenne annuelle. L’indice de végétation normalisé n’a pas fait la différence entre la végétation forestière et la mangrove alors que la classification est basée sur la réflectance similaire regroupée en région par segmentation. Le développement du couvert végétal et l’extension des terres salées ont entraîné la régression des terres peu boisées de -37% entre 1973 et 2018. L’évolution climatique a eu également un impact sur la dynamique des vasières. Ces dernières enregistrent une progression de 164% sur toute la période étudiée. Rappelons que les vasières peuvent être sous-estimées ou surestimées en fonction de la marée et des apports d’eau douce en amont des estuaires.

Pendant la période correspondant aux dates d’acquisition des images satellitaires Landsat utilisées dans cette étude à savoir mars, avril et mai, on note le retrait des surfaces d’eau à la limite des estuaires et à côté des bolongs en raison de la faiblesse de l’alimentation en eau douce. Le signal enregistré par le capteur prend l’allure de la signature spectrale de l’eau à cause de la faible teneur en eau dans le sol. À cette dernière, s’ajoute la dynamique de la marée qui peut occuper par endroits les vasières. Si l’alternance des marées coïncide avec la prise de vue, on peut assister à une sous-estimation et une surestimation des vasières qui peuvent être confondues avec l’eau. La mangrove a connu une régression de -16% au profit des terres salées et des vasières. La régression des cordons sableux justifie la forte érosion littorale notée surtout en Basse Casamance.

Tabl. 8 : Taux d’évolution des unités d’occupation du sol entre 1973 et 2018 dans le milieu étudié

Source : Auteurs, 2022.

3. Discussion

Les changements d’occupation du sol sont, à la fois, conséquences et amplificateurs du changement climatique. Les fortes températures et le déficit pluviométrique conduisent à une faible production de matières organiques qui entraîne une faible agrégation et une instabilité du sol, d’où une forte probabilité d’érosion éolienne et hydrique (OMM 2005 : 10). Le climat exerce une forte influence sur le type de végétation. La raréfaction des précipitations annuelles entraîne la baisse de la densité du couvert végétal qui devient progressivement plus clairsemé. Le recueil d’informations fiables sur les changements d’occupation du sol permet de réduire la vulnérabilité et d’augmenter la résilience et la capacité d’adaptation au changement climatique. L’imagerie satellitaire offre la possibilité de répondre à cette problématique. L’analyse diachronique permet d’appréhender les transformations de l’espace et de répondre aux enjeux des changements globaux. Cette méthode a permis de détecter les changements des unités d’occupation du sol entre 1973 et 2018.

3.1. Une légère variation des superficies de la mangrove

Malgré la variabilité climatique, la mangrove est globalement marquée par une légère augmentation de ses superficies entre 1973 et 2018. Ces résultats concordent avec les conclusions de Dièye et al. (2016 : 8) qui montrent qu’une régénération relativement importante notée en 2018. La régression est faible tandis que la progression est plus ou moins significative. Les régressions se retrouvent essentiellement dans les zones périphériques de la mangrove correspondant à la limite inférieure des tannes (Dièye et al., 2016).

3.2. Une extension des superficies des tannes et des vasières

Les résultats montrent une extension considérable des terres salées et des vasières. Les vasières ont connu une évolution moins accentuée que les terres salées. Les vasières ont connu une régression de leurs superficies entre 1986 et 2003 après avoir connu une forte progression. Entre 2003 et 2018, une légère augmentation de leur superficie se fait remarquer. Ces résultats correspondent aux conclusions d’Andrieu (2010) qui montrent une faible régression suivie d’une légère progression des vasières. L’extension de ces deux unités d’occupation du sol s’explique en grande partie par les fluctuations climatiques observées en Afrique de l’Ouest à partir des années 1970 voire 1990. La succession des épisodes de sécheresse tant étudiée par les chercheurs (Diop 1990 : 87 ; Cormier-Salem 1999 : 222 ; Faye et al., 2018 : 85 ; Tine et al., 2020 : 19), a accentué la salinisation et entraîné une réduction des apports en eaux douces. L’alternance des marées sur un relief plat a facilité le développement des vasières. Ce déficit pluviométrique observé dans les années 1970, 1980 et 1990 et le réchauffement global de la terre ont contribué à augmenter l’évaporation par rapport au drainage et l’extension des terres salées (Marius 1985 : 54 ; Bates et al., 2008 : 19). Ces changements dus à la dynamique météo-marine perturbent les écosystèmes littoraux et aggravent les effets du changement climatique sur les formations végétales.

3. 3. Une hausse des superficies de la végétation continentale

La végétation continentale est à l’image de la mangrove qui présente des superficies à la hausse entre 1973 et 2018. L’augmentation des superficies du couvert végétal de terre ferme montre qu’il n’a pas encore ressentis les effets du changement climatique. Malgré une régression localisée au nord de la Basse Casamance dans le Département de Bignona, entre l’estuaire de la Casamance et celui du Rio Cacheu notamment à la périphérie de l’aire marine protégée de Cacheu, une forte progression est observée vers le sud du Rio Gêba, au nord du Rio Mansoa, en région guinéenne. Les autres entités d’occupation du sol comme les surfaces d’eau, les terres peu boisées et les cordons sableux affichent des changements négatifs avec des taux d’évolution respectifs de 28 %, 37% et 15%.

Les informations obtenues à partir du suivi des changements d’occupation du sol sont toujours utiles (Hoang et al., 2008 : 228) dans la gestion des ressources naturelles. Les changements d’occupation du sol modifient les paysages (Hassan et al., 2019 : 1) et peuvent entraîner la perturbation de leur biodiversité. Il est important de disposer des informations importantes et précises afin de répondre aux enjeux des changements globaux, et par la vulnérabilité, la résilience et la capacité d’adaptation des systèmes sociaux-environnementaux (Davranche et al., 2015 : 1). Avec les effets néfastes du changement climatique sur le milieu physique, les superficies des terres salées pourront considérablement augmenter entrainant la dégradation des terres arables et de la végétation continentale.

Conclusion

Le suivi des changements d’occupation du sol par l’utilisation d’une méthode de détection de changements basée sur la comparaison post-classification des images Landsat a permis d’appréhender l’évolution spatio-temporelle des unités d’occupation du sol dans l’espace étudié. Les statistiques issues de la détection de changement montrent une forte extension des terres salées avec un taux d’évolution de 233% entre 1973 et 2018.

Elles restent de loin l’unité la plus mouvante durant l’intervalle de temps analysé. La zone d’étude est sous l’emprise constante de la dynamique littorale avec la remontée de la langue salée dans les estuaires de la Casamance, du Rio Cacheu, du Rio Mansoa et du Rio Gêba. La remontée des eaux salées influence fortement la dynamique spatio-temporelle des entités d’occupation du sol. Les vasières ont connu une évolution identique à celle des terres salées avec un taux d’évolution de 164%, suivi de la végétation continentale avec 120%. Le développement du couvert végétal, l’extension des terres salées et des vasières ont entraîné la régression des terres peu boisées (37%), des surfaces d’eau (28%) et des cordons sableux (15%) entre 1973 et 2018. La mangrove a connu une évolution contrastée avec une alternance de régression et de progression. Cependant, la synthèse des changements entre 1973 et 2018 montre un taux d’évolution négatif de -16%.

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Auteurs

Dome TINE
Doctorant en Géographie
Laboratoire de Télédétection Appliquée (LTA)
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (Sénégal)
Courriel : dometine85@gmail.com

Mbagnick FAYE
Enseignant-Chercheur en Géographie
Laboratoire de Climatologie et d’études environnementales (LCE)
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (Sénégal)
Courriel : fayedoudou85@yahoo.fr

Gayane FAYE
Maitre de conférences
Institut des Sciences de la Terre (IST)
Laboratoire de Télédétection Appliquée (LTA)
Université Cheikh Anta DIOP (UCAD) de Dakar (Sénégal)
Courriel : gayane.faye@gmail.com

Guilgane FAYE
Maitre de conférences en Géographie
Laboratoire de géographie physique (Dakar, Sénégal)
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (Sénégal)
Courriel : guilganefaye@yahoo.fr

Auteur correspondant

Dome TINE
Courriel : dometine85@gmail.com

© Édition électronique

URL – Revue Espaces Africains  : https://espacesafricains.org/
Courriel – Revue Espaces Africains : revue@espacesafricains.org
ISSN : 2957-9279
Courriel – Groupe de recherche PoSTer : poster_ujlog@espaces.africians.org
URL – Groupe PoSTer  : https://espacesafricains.org/poster/

© Éditeur

– Groupe de recherche Populations, Sociétés et Territoires (PoSTer) de l’UJLoG
– Université Jean Lorougnon Guédé (UJLoG) – Daloa (Côte d’Ivoire)

© Référence électronique

Dome TINE, Mbagnick FAYE, Gayane FAYE & Guilgane FAYE, « Analyse par imagerie satellitaire de la dynamique de l’occupation du sol dans les rivières du Sud : De la basse Casamance (Sénégal) au Rio Gêba (Guinée-Bissau) », Revue Espaces Africains (En ligne), 2 | 2022 (Varia), Vol. 1, ISSN : 2957- 9279, mis en ligne, le 30 décembre 2022.

 

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