Espaces Africains

Revue Espaces Africains - Groupe de recherche pluridisciplinaire et international « Populations, Sociétés & Territoires » (PoSTer)

 

Caractérisation chimique des sédiments des fonds marins de la petite-côte du Sénégal : Analyse à partir d’échantillons prélevés à Joal-fadiouth

Chemical characterization of seabed sediments of the petite-cote of Senegal : Analysis of samples taken at Joal-Fadiouth 


Abou Sy AMADOU

Résumé

Joal-Fadiouth est une commune du Sénégal située sur la Petite-Côte, au sud-est à 110 km de Dakar. La connaissance des niveaux de pollution des sédiments des fonds marins permet de déterminer les risques potentiels sur la faune benthique dans un contexte marqué par des aménagements portuaires et pétrogaziers sur le littoral sénégalais. Cette contribution a pour objectif de caractériser les composantes chimiques des sédiments des fonds marins de la Petite-Côte à travers un lot de 120 échantillons. Les paramètres ciblés pour les analyses au Laboratoire sont : le carbone organique, le phosphore, l’azote total et les métaux lourds (cuivre, zinc, cadmium, plomb, chrome, nickel, l’arsenic, le manganèse, l’aluminium et le lithium). Les paramètres relatifs aux nutriments (carbone, azote, phosphore) ont été comparés à ceux de la première campagne tandis que la toxicité des métaux est établie selon les standards du Québec (Recommandations canadiennes pour la qualité de l’environnement et la qualité des sédiments, mise à jour en 2004). Les résultats obtenus montrent globalement une faible teneur pour le carbone organique et le phosphore, donc en éléments nutritifs dans le milieu notamment des producteurs primaires (végétaux supérieurs et algues). Les concentrations pour les métaux sont inférieures dans l’ensemble aux seuils de criticité de contamination.

Mots-clés :Sénégal, Joal-Fadiouth, Petite-Côte, faune benthique, sédiments, qualité chimique.

Abstract

Joal-Fadiouth is a town in Senegal located on the Petite-Côte, southeast 110 km from Dakar. Knowledge of the levels of pollution of the sediments of the seabed makes it possible to determine the potential risks to the benthic fauna in a context marked by port and oil and gas developments on the Senegalese coast. This contribution aims to characterize the chemical components of the seabed sediments of the Petite-Côte through a batch of 120 samples.The parameters targeted for analyzes in the Laboratory are: organic carbon, phosphorus, total nitrogen and heavy metals (copper, zinc, cadmium, lead, chromium, nickel, arsenic, manganese, aluminum, lithium). Parameters relating to nutrients (carbon, nitrogen, phosphorus) were compared with those of the first campaign, while the toxicity of metals is established according to Quebec standards (Canadian guidelines for environmental quality and sediment quality, updated in 2004). The results obtained show an overall low content for organic carbon and phosphorus, and therefore of nutrients in the environment, particularly in primary producers (higher plants and algae). The concentrations for metals are on the whole lower than the thresholds contamination criticality.

Keywords : Senegal, Joal-Fadiouth, Petite-Côte, benthic fauna, sediments, chemical quality

Introduction

La commune de Joal Fadiouth s’étend entre les latitudes 14°10’ et 14°15’ Nord et les longitudes 16°50 et 16°55’ Ouest (fig. 1). Elle est située dans la région de Thiès et le département de Mbour. Elle réunit en réalité deux villages ; Joal, le plus gros, établi sur le littoral est séparé de la petite île de Fadiouth par une lagune et Fadiouth (plus petit), une île constituée d’amoncellements de coquillages et reliée à la côte par un pont de bois. La commune s’étire le long de la côte, sur une longueur de 10 km, entre Ngazobil et la pointe de Finio (Faye 2015 : 5).

Fig. 1. Localisation de la zone d’étude

Source : Sy, octobre 2022

Les fonds marins au large du Sénégal s’inclinent progressivement le long du plateau continental jusqu’à une profondeur d’eau d’environ 100–200 m à environ 90 km de la côte, où la profondeur de l’eau augmente plus rapidement (Domain 1977 : 122). La topographie du plateau continental sénégambien se caractérise par une partie nord étroite, avec une forte pente au large entre Dakar et Saint Louis. Au sud de Dakar, le vaste plateau continental a une pente douce.

Au plan géologique, la ville de Joal se situe sur la partie occidentale du bassin sénégalo-mauritanien, formé par de vastes séries monoclinales à pendage ouest s’ennoyant dans l’océan atlantique (Castelain 1965 : 270 ; Bellion et al., 1984 : 183). A l’échelle du Bassin, les terrains du secondaire les plus anciens connus à l’affleurement sont attribués au Crétacé supérieur et sont localisés sur le Horst de Diass, où ont été reconnus le Campanien (Roman et Sornay 1983 : 84 ; Khatib et al., 1990 : 122) et le Maastrichtien (Khatib et al., 1990 : 27 ; Sow 1992 : 32 ; Sarr 1995 : 37).

Le Quaternaire ancien ou Pléistocène est probablement constitué par des niveaux transgressifs très faiblement étagés, disposés le long des rivages des anciens golfs (Barrusseau et al., 1999 : 199). Au Quaternaire récent ou Holocène, la sédimentation est essentiellement détritique à faciès continentaux, entrecoupée parfois par des dépôts marginaux.

Les travaux spécifiques sur la caractérisation chimique des sédiments au large de la Petite-Côte sont rares. Or, la connaissance des niveaux de pollution des sédiments des fonds marins permet de déterminer les risques potentiels sur la faune benthique. Il est donc clair que l’étude du sédiment marin s’intègre naturellement dans l’analyse des conditions de l’environnement qui déterminent l’abondance et la disponibilité des ressources halieutiques.

Cette contribution a pour objectif de caractériser les composantes chimiques des sédiments des fonds marins de la Petite-Côte à partir d’un lot de 120 échantillons prélevés au large de Joal-Fadiouth pour apprécier la qualité des sédiments du milieu marin. Le travail consiste d’abord à organiser les résultats des analyses des échantillons fournies par le laboratoire. Ensuite, des interprétations sont correctement faites. Enfin dans une discussion, les découvertes majeures sont confrontées aux résultats des recherches antérieures sur la même problématique.

1. Méthodologie

L’analyse et l’interprétation des données de caractérisation chimique des sédiments reposent sur les résultats des traitements au laboratoire. Les différentes estimations ont permis de déterminer le niveau de toxicité des sédiments comparativement à l’état de référence (campagne de mai 2019). L’approche consiste à présenter les teneurs de la campagne 2 (mars 2021) afin de les comparer aux valeurs de la campagne de l’état de référence (mai 2019).

1.1. Collecte des échantillons

Dans les fonds marins de Joal-Fadiouth (fig. 2), la zone d’échantillonnage couvre une superficie de 1 km2. Quelques 100 échantillons ont été prélevés dans ce carré et 20 autres aux alentours, sur une équidistance de 100 m et sur une épaisseur moyenne de 90 cm. Les prélèvements ont été réalisés en plonger au moyen d’un carottier manuel de 50 mm de diamètre et de 0,91 m de long. L’échantillonnage est effectué à 25 km de la côte, sur une profondeur de 20 m environ.

Le nombre d’échantillons (120) est représentatif. L’équidistance (100 m) permet d’avoir une homogénéité. Le choix de cet espace échantillon s’explique par le fait que c’est dans ce secteur que le stock sableux a été jugé important (Barusseau 1984 : 88). C’est également une zone d’activité de pêche pour les acteurs de Joal.

Fig. 2. Maillage des prélèvements dans les fonds marins de Joal-Fadiouth

Source : Sy, octobre 2022.

1.2. Traitement des échantillons au laboratoire

Les échantillons prélevés sont conservés et analysés au laboratoire. Les paramètres chimiques ciblés dans le cadre de cette étude sont : le carbone organique, le phosphore, l’azote total et les métaux lourds (cuivre, zinc, cadmium, plomb, chrome, nickel, arsenic, manganèse, aluminium, lithium).

1.2.1. Dosage du carbone Organique

La teneur en matière organique a été évaluée selon la méthode de Walkey et Black (1934 : 35). Elle consiste à une oxydation à froid de la fraction organique du carbone par le bichromate du potassium (K2Cr2O7 à 1N) en milieu acide et un titrage en retour par sel de Mohr (SO4Fe, SO4(NH4)2,6H2O à 0,5N). Le dosage de la matière organique est réalisé à partir du carbone organique estimé à 58 % de cette matière, le pourcentage de la matière organique étant égal à 1,724 fois celui du carbone organique.

1.2.2. Dosage du phosphore

Deux méthodes d’extraction du phosphore ont été combinées pour quantifier le phosphore :

  • La méthode de Bray 1

La méthode de Bray et Kurtz (1945 : 42) permet d’extraire le phosphore en milieu acide (HCL+ NH4F dilué) tout en complexant l’aluminium lié au phosphore. Cette méthode n’est guère utilisable pour les sols proches de la neutralité (pH = 6.5 à 7.5).

  • La méthode Olsen (Olsen, Cote, Watanabe et Dean, 1954 : 5)

Cette méthode, initialement développée pour les sols calcaires et les sols ferralitiques, permet de déterminer le phosphore alcalino-soluble extrait par bicarbonate de sodium NaHCO3 à pH = 8.5. La combinaison de ces méthodes passe par une extraction à chaud en milieu d’acide sulfurique. Les extraits font ensuite l’objet d’un dosage au spectrophotomètre à l’aide du réactif phospho-molybdique. Une droite d’étalonnage permet ensuite de calculer les concentrations spécifiques et de ramener les résultats en mg/100g de sol.

1.2.3. Dosage de l’azote total

Le dosage de l’azote total s’est fait par la méthode de Kjeldahl (2008 : 99). Elle correspond à AFNOR NF V18-100. Il s’agit de l’attaque par l’acide sulfurique concentré en présence d’un catalyseur. Ensuite, après neutralisation et passage en milieu alcalin, la distillation et dosage de l’ammoniac sont obtenus avec de l’acide sulfurique 0,1 N en présence d’un indicateur, le rouge de méthyle. Le résultat est exprimé en ppm ou en mg/100g. La teneur en Azote (A) est exprimée en pourcentage de matières sèches.

1.2.4. Dosages des métaux

Une prise d’essai d’échantillon est minéralisée à l’acide perchlorique, à chaud pendant trois (3) heures. Le minéralisât refroidi est ramené à un volume défini de 100 ml, puis filtré. Le filtrat est analysé ensuite au spectrophotomètre d’absorption atomique pour en déterminer les teneurs en différents métaux. Les résultats obtenus ont permis d’analyser les caractéristiques chimiques des sédiments de fond au large de Joal-Fadiouth.

1.2.5. Traitements et interprétation des données

L’analyse et l’interprétation des données de caractérisation chimique des sédiments reposent sur les résultats des traitements au laboratoire. Les différentes estimations doivent arriver dans l’ensemble à déterminer le niveau de toxicité des sédiments comparativement à l’état de référence.

L’approche consiste à présenter les teneurs de la campagne de suivi afin de les comparer aux valeurs de l’état de référence. La comparaison a été faite sur la base des standards du Québec, référence internationale contraignante qui permet de mieux prendre en compte les risques de contamination (tabl. 1). Cette même référence a été utilisée pour caractériser les sédiments à l’état de référence.

                                                    Tabl. 1 : critères retenus pour les métaux lourds

Source : Recommandations canadiennes pour la qualité de l’environnement et la qualité des sédiments, mise à jour en 2004, Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME)

2. Résultats et analyses

2.1. Caractérisation des composantes en nutriment et comparaison entre les 02 campagnes

Nous n’avons pas rencontré à ce stade des normes/critères connus pour les paramètres nutritifs tels que le carbone, le phosphore ou l’azote. Cette lacune est constatée aussi bien sur la règlementation au niveau national qu’au niveau internationale. Ce qui fait que l’analyse a été basée sur une comparaison entre les valeurs de l’état de référence et la campagne de suivi (tabl.2). Par contre, pour les métaux lourds, les normes admises et reconnues ont été utilisées.

Tabl. 2. Composantes en nutriments (carbone, azote, phosphore)

Source : résultats laboratoire, échantillons campagnes mai 2019 et mars 2021

Au stade de la campagne de mars 2021, les teneurs en carbone de la zone au large de Joal sont comprises entre 0,03 % et 0,47 % soit une moyenne de 0,24 % (fig. 3). Ainsi, on constate que les sédiments sont pauvres en Carbone organique et aucun point n’atteint 1 % en teneur comparativement à l’état de référence où les teneurs en Carbone étaient estimées entre 1,14 % et 0,47 %. Ces données prouvent une faiblesse en matière organique ; ce qui reste une caractéristique de cette zone et des sables marins.

Par ailleurs, la comparaison des données met en évidence une homogénéité entre les différentes mesures. Les variations sont comprises entre 0,19 et 0,72 %. Comparativement à la première campagne où les teneurs en Carbone étaient estimées entre 1,14 % et 0,47 %, tous les points de mesure durant la seconde campagne indiquent une baisse de leur teneur en carbone organique. La moyenne de la teneur en carbone est ainsi passée de 0,66 % à 0,25 %. Même si tous les points sont caractérisés par une faible teneur en carbone organique, les résultats montrent tout de même une réduction de l’ordre de 0,41 % au stade de la seconde campagne.

Fig. 3. L’évolution du carbone


Source : résultats laboratoire, échantillons campagnes mai 2019 et mars 2021

Les teneurs d’azote sont comprises entre 140 mg/kg et 530 mg/kg soit une moyenne de 342 mg/kg (fig. 4). Elles déterminent une faible teneur en azote des sédiments marins du site d’échantillonnage. Ce qui parait correct au regard des teneurs en carbone et phosphore. Les variations des teneurs en azote sont ainsi comprises entre – 140 mg/kg et 338 mg/kg soit une moyenne de 338 mg/kg.

Fig. 4. L’évolution de l’azote


Source : résultats laboratoire, échantillons campagnes mai 2019 et mars 2021

Les teneurs en phosphore mesurées dans les sédiments de la zone d’étude sont assez hétérogènes, comprises entre 53,09 mg/kg et 131,67 mg/kg avec une moyenne de 90,59 mg/kg (fig. 5). Les pics sont estimés entre 105 et 131,67 mg/kg sur les points de mesure. Les stations présentent des teneurs faibles. Ce qui montre une diminution d’éléments nutritifs. Le phosphore participe au développement des producteurs primaires (végétaux supérieurs et algues).

Comparativement à la campagne 1, nous observons une diminution importante des teneurs en phosphore dont les teneurs initiales étaient comprises entre 895,29 mg/kg et 416,37 mg/kg soit une moyenne de 604,16 mg/kg sur les mêmes points de mesure. Les variations entre les deux campagnes sont de l’ordre de 333,99 mg/kg à 768 mg/kg. Cette tendance dénote d’une forte réduction des teneurs en phosphore durant la seconde campagne de suivi.


Fig. 5. L’évolution du phosphore

Source : résultats laboratoire, échantillons campagnes mai 2019 et mars 2021

2.2. Les métaux lourds

Les sédiments constituent un réservoir potentiel de contaminants chimiques et sont couramment utilisés comme indicateurs de la qualité de vie du milieu marin. Les moyennes, valeurs minimales et maximales des métaux lourds plus pertinents sont analysées en comparaison entre les campagnes (tabl. 3). Par la suite, une comparaison est effectuée sur la base des seuils de criticité de contamination admises selon les normes du Québec.

Tabl. 3 : Récapitulatif des valeurs de référence et du suivi

Le suivi des métaux lourds sur le site d’échantillonnage au large de Joal a montré dans l’ensemble une variation des concentrations. Les teneurs obtenues ne posent pas véritablement de problèmes de toxicité. Les concentrations sont inférieures dans l’ensemble aux seuils de criticité de contamination admises selon les normes du Québec. Ainsi, la probabilité d’observer des effets biologiques néfastes est relativement faible, de même que les risques de contamination du milieu. Il faut se rappeler que lorsque les sédiments sont remis en suspension, un phénomène de désorption se produit : une partie des contaminants contenus dans les sédiments va passer en phase dissoute, le reste demeurant lié aux particules sédimentaires qui vont se déposer sur le fond. La proportion de contaminant qui va se détacher des particules est variable en fonction des composés chimiques. Elle explique les variations des indicateurs analyses pour les métaux lourds. Plusieurs paramètres ont connu une diminution de leurs teneurs initiales. Ces paramètres concernent le plomb, le chrome, le cuivre qui présentent des teneurs faibles (fig. 6).

Fig. 6. Variation des concentrations de métaux lourds

Les concentrations en zinc sont estimées entre 133,19 mg/kg et 189,46 mg/kg soit une moyenne de 154,87 mg/kg. Les concentrations actuelles en zinc dans le site dragué sont inférieures à la valeur seuil estimée à 300 mg/kg.

Les concentrations en cadmium sont hétérogènes à l’échelle des stations et sont estimées entre 9,28 et 19,32 mg/kg soit une moyenne de 12,31 mg/kg. Se référant à la norme du Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME), les concentrations dans les différentes stations dépassent les CEF (Concentration d’effets fréquents) dont le seuil est de 7,2 mg/kg. Or la concentration la plus faible durant la seconde campagne de suivi est de 9, 28 mg/kg. Toutefois, le cadmium ne présente pas de toxicité aiguë pour les organismes marins à des concentrations susceptibles d’être rencontrées dans le milieu.

Les concentrations en plomb sont homogènes dans l’ensemble des stations de mesure (inférieures à 1 mg/kg). Elles sont comprises entre 0,61 et 0,91 mg/kg soit une moyenne d’ensemble de 0,75 mg/kg. Elles déterminent des teneurs très faibles et sont inférieures aux CER (Concentrations d’Effets Rares) dont le seuil admissible est estimé à 18 mg/kg.

Sur l’ensemble des stations de détermination des métaux lourds au stade de la deuxième campagne, le chrome apparait sous forme de traces dont les concentrations sont évaluées entre 0,026 mg/kg et 0,089 mg/kg sur une moyenne de 0,042 mg/kg. Sur la base de la classification du comité canadien, toutes les stations sont inférieures aux CER dont la concentration maximale est déterminée à 30 mg/kg. Les concentrations sont donc inférieures par rapport à l’intervalle de référence recommandée durant la campagne de référence compris entre 22 et 35 mg/kg. Les concentrations en nickel sont comprises entre 4,49 mg/kg et 19,94 sur une moyenne de 11,42 mg/kg.

3. Discussion

3.1. L’évolution des taux de nutriments entre les deux campagnes

De manière générale, l’enrichissement du milieu en carbone organique total est très homogène, avec des teneurs faibles et réduites par rapport à l’état de référence qui reste une caractéristique de cette zone et des sables marins. Au stade de la campagne de suivi, les résultats montrent une diminution des teneurs en azote comparativement à l’état de référence. Les teneurs en phosphore mesurées dans les sédiments de la zone d’étude sont assez hétérogènes, comprises entre 53,09 mg/kg et 131,67 mg/kg avec une moyenne de 90,59 mg/kg. Toutes les stations présentent des teneurs faibles caractérisant une diminution d’éléments nutritifs dont le phosphore qui participe aussi au développement des producteurs primaires (végétaux supérieurs et algues).

Ainsi, tous les paramètres relatifs aux nutriments du milieu marin dont le carbone, l’azote et le phosphore total connaissent une réduction des concentrations plus ou moins importante entre les 02 campagnes. Le stock de nutriments devrait se reconstituer progressivement pour atteindre les valeurs références. Il serait important de suivre ces paramètres pour évaluer le niveau de reconstitution de ce milieu.

3.2. La variation des taux de métaux lourds entre les deux campagnes et selon les normes admises

La présence des métaux lourds dans les eaux marines du Sénégal est abordée dans les travaux antérieurs. Une étude portant sur l’évaluation du niveau de contamination, la biodisponibilité et la toxicité potentielle des métaux traces dans les sédiments de surface prélevés sur les côtes de Dakar et de l’estuaire de Saint-Louis, a conclu à une forte contamination par le cadmium, le chrome, le cuivre et le plomb des échantillons recueillis dans huit stations entre juin 2012 et janvier 2013 (Diop 2015 : 66).

Des traces de métaux lourds ont également été décelées dans vingt-deux (22) échantillons d’eau prélevés dans le Delta du fleuve Sénégal. Les échantillons contenaient des concentrations de chrome variant de 4,5 à 37,6 µg/l. Le cuivre a été quantifié sur 68 % des sites d’observation, les concentrations de tous ces métaux lourds sont cependant inférieures aux valeurs guides de l’OMS sauf celles du nickel qui est trouvé dans 7 des 22 sites (Ceres 2016 : 33).

Il est donc clair que l’étude du sédiment s’intègre naturellement dans l’analyse des conditions de l’environnement qui déterminent l’abondance et la disponibilité des ressources halieutiques. Une étude récente (Diop et al., 2016 : 183) dans le delta du fleuve Sénégal portant sur l’évaluation des niveaux de contamination de cinq espèces côtières appartenant à des niveaux trophiques différents : macro-algue, Ulva lactuca, mollusques bivalves, Perna perna, crevette, Penaeus kerathurus et poissons, Mugil cephalus et Saratherondon melanotheron a démontré que la concentration des éléments dans les espèces étaient variable. Ainsi, le fer était l’élément le plus présent dans les macro-algues alors qu’il était associé au zinc dans les moules. Dans les crevettes, le zinc était retrouvé seul en très grande quantité. Pour les deux espèces de poissons, le fer et le cuivre étaient les deux éléments les plus mesurés. Les concentrations en plomb et en cadmium dans les moules et crevettes étaient inférieures aux normes de qualité sanitaire établies par l’Union Européenne.

Dans la zone de Joal, deux sites expérimentaux ont été identifiés. La zone 2 qui se situe au large et la zone 1 qui est très proche de la côte. Ses résultats montrent que dans l’ensemble, la zone 2 contient une faible concentration en polluants, dû certainement à sa faible proximité à la côte, mais également au flux du courant marin (Deugoue 2013 : 59).

Ce qui montre en rapport avec nos résultats que les métaux sont présents dans les écosystèmes aquatiques (delta du Sénégal, au large de Joal, etc.). Cependant, les valeurs obtenues pour la plupart des paramètres ne dépassent pas généralement les normes/références admises.

Les résultats obtenus montrent que les sédiments sont globalement très peu contaminés (concentrations moyennes inférieures au seuil de la norme canadienne[1], tabl. 1). Ainsi, le risque induit par le relargage des contaminants pour l’écologie marine et la santé humaine sont négligeables, en raison de quantités de contaminants très faibles.

Conclusion

Les résultats obtenus sur la qualité chimique des sédiments sont des indicateurs de l’état de santé du milieu marin. De manière générale, l’enrichissement du milieu en carbone organique total est très homogène, avec des teneurs faibles et réduites. L’enrichissement du milieu en azote est hétérogène, avec des teneurs faibles. A l’exception de l’augmentation des teneurs du cadmium, le rehaussement des autres concentrations ne pose pas de problème de toxicité sur le milieu marin. La probabilité d’observer des effets biologiques néfastes est relativement faible de même que les risques de contamination du milieu car il n’a pas été observé dans ce milieu des sources potentielles de pollution anthropique. Les paramètres relatifs aux nutriments dans le milieu de dragage dont le carbone, l’azote et le phosphore total connaissent des concentrations faibles. Cependant, le stock de nutriments devrait se reconstituer progressivement pour atteindre les valeurs références. Il serait nécessaire en termes de perspectives de suivre les paramètres tels l’azote total, le carbone, le phosphore total. Pour les métaux lourds, un suivi des concentrations en cadmium semble nécessaire au regard des concentrations qui sont enregistrées.

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Auteur

Abou Sy AMADOU
Enseignant-Chercheur – Géomorphologie
Département de Géographie
Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)
Courriel : syamadouabou2@yahoo.fr

© Édition électronique

URL – Revue Espaces Africains : https://espacesafricains.org/
Courriel – Revue Espaces Africains : revue@espacesafricains.org
ISSN : 2957-9279
Courriel – Groupe de recherche PoSTer : poster_ujlog@espaces.africians.org
URL – Groupe PoSTer : https://espacesafricains.org/poster/

© Éditeur

– Groupe de recherche Populations, Sociétés et Territoires (PoSTer) de l’UJLoG
– Université Jean Lorougnon Guédé (UJLoG) – Daloa (Côte d’Ivoire)

© Référence électronique

Abou Sy AMADOU, « Caractérisation chimique des sédiments des fonds marins de la petite côte du Sénégal : Analyse à partir d’échantillons prélevés à Joal-Fadiouth », Revue Espaces Africains (En ligne), 2 | 2022 (Varia), Vol.1, ISSN : 2957 – 9279, mis en ligne le 30 décembre 2022.

  1. Source : Recommandations canadiennes pour la qualité de l’environnement et la qualité des sédiments, mise à jour en 2004, Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME)
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