Évolution climatique et dynamique des infections respiratoires aigües (IRA) dans la ville de Soubré au sud-ouest de la Côte d’Ivoire
Climate evolution and dynamics of acute respiratory infections (ARI) in the city of Soubré in the South-West of Côte d’Ivoire
Brice Ézéchiel Logbo MOGOU – N’dri Yann Cédric KOUADIO – Beh Ibrahim DIOMANDÉ
Résumé
Les effets du changement climatique laissent paraître une situation de crises environnementales avec des conséquences sur la santé par la prolifération des maladies. L’analyse climatique de ces dernières années a montré une évolution des quantités thermiques et pluviométriques dans la zone de Soubré. En effet, à Soubré (au Sud-ouest de la Côte d’Ivoire), ces dernières décennies traduisent également une évolution des cas d’Infections Respiratoires Aigües (IRA). En effet, les IRA sont des maladies infectieuses issues de la dégradation de l’environnement et causées par la manifestation des agents pathogènes. De ce fait, une étude de corrélation a permis de déclarer que l’évolution climatique joue un rôle dans le développement des Infections Respiratoires qui affectent le bien-être des populations dans la ville de Soubré. Ainsi, comment l’évolution du climat influence-t-elle le développement des IRA dans la ville de Soubré ? Ce travail a permis d’évaluer le rapport entre le climat et les cas d’IRA. Pour atteindre l’objectif visé, les méthodes utilisées sont la collecte des données climatologiques et sanitaires, les enquêtes de terrain et des traitements statistiques dont le KHI 2, qui a permis d’appréhender les impacts du climat sur les IRA et établir la cartographie des risques. L’analyse des résultats met en exergue un lien entre ces deux variables (climat et IRA). Toutefois, de façon spécifique, le test de KHI-2 indique que : « L’humidité favorise l’apparition des IRAB (Infections Respiratoires Aigües Basses), tandis que les saisons sèches induisent un risque élevé des IRAS (Infections Respiratoires Aigües Supérieures) ».
Mots-clés : changement climatique, IRA, IRAS/IVAS, IRAB/IVRB , Soubré .
Abstract
The effects of climate change reveal a situation of environmental crises with consequences on health through the proliferation of diseases. The climatic analysis of these last years showed an evolution of the thermal and pluviometric quantities in the zone of Soubré. Indeed, in Soubre (in the south-west of the Ivory Coast), these last decades also reflect an evolution of the cases of Acute Respiratory Infections (ARI). Indeed, ARI are infectious diseases resulting from the degradation of the environment and caused by the manifestation of pathogenic agents. As a result, a correlation study has made it possible to declare that climate change plays a role in the development of respiratory infections which affect the well-being of populations in the town of Soubré. So, how does climate change influence the development of IRAs in the town of Soubré? This work made it possible to evaluate the relationship between the climate and the cases of ARI. To achieve the objective, the methods used are the collection of climatological and health data, field surveys and statistical processing including the KHI 2, which made it possible to understand the impacts of the climate on the ARIs and to establish the mapping of the risks. The analysis of the results highlights a link between these two variables (climate and IRA). However, specifically, the KHI-2 test indicates that : « Humidity promotes the appearance of IRAB (Low Acute Respiratory Infections), while dry seasons induce a high risk of IRAS (Acute Respiratory Infections superiors) ».
Keywords : climate change, IRA, RAS/IVAS, IRAB/IVRB, Soubré.
Introduction
La réalité d’un changement climatique due aux actions anthropiques qui renforcent l’augmentation des gaz à effets de serre (GES), et notamment du CO2 fait désormais l’objet d’un consensus bien affirmé selon ANDREW et al (2000 : 11). Les modifications de ces paramètres climatiques notamment pluviométries et températures sont aujourd’hui au centre des débats scientifiques à l’échelle internationale. En effet, le changement climatique mondial représente donc un nouvel enjeu pour ceux qui s’emploient à protéger la santé humaine. Depuis deux décennies, la communauté internationale dans son ensemble, accorde une importance particulière aux problèmes environnementaux et surtout à ceux influencés par l’évolution du climat. Ces problèmes sont d’ordre sociale et économique et portent atteinte au bien-être des populations du monde entier et en particulier des pays en développement à travers les éléments du climat (l’insolation, la température, la pluviométrie et l’humidité), (GIEC 2007 : 5). En cela, l’on reste unanime sur le fait que celui-ci a un impact sur la santé des populations partout dans le monde.
À l’échelle ouest Africaine, les températures des surfaces océaniques jouent un grand rôle dans la modification des quantités pluviométriques (Aguilar ,2009) cité par Kanga (2013 : 64). Les quantités thermiques et pluviométriques ont changé. Dans certains pays comme en Côte d’Ivoire, elles sont en hausse (Tanoh 2014 : 44 – 52). Toutes les conséquences de l’évolution climatique sur l’environnement induisent le problème d’hygiène et favorisent en Côte d’Ivoire la recrudescence de certaines maladies comme, la fièvre jaune, la fièvre typhoïde, les maladies diarrhéiques et même des maladies infectieuses, qui fragilisent la santé des populations (Nicolas et al, 2015 : 26). Ainsi, il est donc question de mener une étude dans la ville de Soubré, chef-lieu de la région de la Nawa, qui est située au Sud-ouest de la Côte d’Ivoire entre les longitudes, 7°08 et 6°12 Ouest et les latitudes 5°19 et 6°34 Nord (fig. 1). Cette ville est soumise à un climat subéquatorial marqué par deux (2) saisons sèches et deux (2) saisons de pluies qui la plupart du temps engendrent des dégâts environnementaux tels que les inondations.
De plus, notons que Soubré est une ville à démographie galopante. Elle reste par la même occasion, le pôle économique régional à cause des fortes productions de café et de cacao. En raison de la mobilité de la population, elle reste sous le joug de plusieurs risques sanitaires. En dépit des potentialités naturelles et socioéconomiques qu’elle regorge, la ville de Soubré est fortement influencée par le Changement Climatique (CC) et, selon l’hôpital général de Soubré, cette évolution a engendré le développement de certaines maladies à transmission vectorielle comme les IRA. De nos jours, une autre catégorie de maladies se développe sur le territoire notamment la méningite, le paludisme, la fièvre jaune, les infections diarrhéiques, les Infections Respiratoires Aigües (IRA) qui selon l’OMS (2004 : 5 -10) sont des maladies du climat. Pourtant, les IRA demeurent le second motif de consultation dans les formations sanitaires du pays après le paludisme, soit plus de 500 000 cas d’IRA diagnostiqués au cours des années 2011-2012 (PNDS, 2016 : 13). À cette situation, la question est de savoir, comment l’évolution du climat influence-t-elle le développement des IRA dans la ville de Soubré ? L’étude a pour objectif principal de ‘montrer les impacts de l’évolution du climat sur le développement des IRA dans la ville de Soubré.’ Pour y parvenir, l’on s’est fixé trois (3) objectifs spécifiques. D’abord, il s’agira de caractériser le climat dans la ville de Soubré grâce à l’analyse des données climatologiques sur la période de 1988 à 2018. Ensuite, à base d’une étude de corrélation, d’établir le rapport entre l’évolution du climat et le développement des IRA et cela grâce aux données statistiques se rapportant aux nombres de cas des IRA obtenus dans les centres de santé de la ville. Cela permettra d’identifier les impacts et fera l’objet d’une cartographie. Enfin, quelques stratégies de lutte contre le développement des IRA mises en œuvre dans la ville de Soubré, ont été analysées.
Fig. 1 : Localisation de la ville de Soubré
Réalisateur : Brice MOGOU – 2019 / Sources : BNETD (2012) – Google Earth (2019)
1. Approche méthodologique
1.1. Les données de l’étude
L’étude a recours à deux types de données. Ce sont des données primaires issues notamment de l’enquête de terrain, et des données secondaires à savoir ; les données climatologiques, les données sanitaires et les données cartographiques.
1.1.1. L’enquête de terrain
1.1.1.1. Enquête par observation directe
Elle fut indispensable pour comprendre l’évolution de la maladie dans la ville, les réactions des populations à savoir leur approche définitionnelle du lien corrélatif entre l’évolution du climat dans la zone et le nombre de cas d’IRA diagnostiqué par les autorités sanitaires, y compris leurs moyens de luttes. En effet, pour cette démarche, nous avons parcouru certains quartiers de la ville de Soubré afin d’apprécier leurs caractéristiques distinctives. Il s’agissait d’observer leur niveau de vie, de salubrité et leurs constitutions architecturales. De ce fait, nous avons opté pour le choix de cinq (5) quartiers dont Camp Mannois, Nambouhi, Gabon, Gbakalékpa et Madou Sahoua en raison de leurs physionomies et leur situation géographique et surtout du degré de risque évalué selon les registres de consultations.
1.1.1.2. Enquête par entretien
La quête d’information, a conduit à des entretiens avec des spécialistes de la santé. Pour une meilleure approche théorique sur les IRA, nous avons rencontré deux (2) médecins dont l’un est médecin cardiologue et Directeur de l’institut sanitaire (IAMC-Santé), l’une des cliniques privées de la ville, et ensuite l’autre, médecin généraliste et spécialiste des IRA à l’hôpital Général de Soubré qui est la plus grande institution sanitaire de la Région de la Nawa. Le but principal de ces entretiens était d’avoir des notions et des informations sur ces infections, notamment savoir comment évoluait la maladie dans le temps, les facteurs de risques et comment y remédier.
1.1.1.3. Enquête par questionnaire
La population cible de notre enquête est l’ensemble des malades des IRA. La plupart sont internés à l’hôpital général surtout dans les services pédiatriques pour des cas d’Infections des Voies Respiratoires Basses (IVRB) comme les cas de pneumonie ou de bronchites aigües. Pour cette phase, deux types de questionnaires ont été élaborés à savoir celui des personnes dites « porteurs sains » c’est-à-dire les personnes malades et n’ayant pas reçu de traitement, et celui des personnes « déclarées malades » dans les centres de santé. Ainsi, dans le but de faciliter la quête d’information, la méthode utilisée a été celle des quotas. Elle nous a permis d’identifier notre population cible. Durant l’enquête, 85 malades ont été interrogés au rang desquels l’on dénombre 65 porteurs sains, et 20 malades déclarés. Cette enquête a permis d’obtenir plusieurs informations relatives à la manifestation de ces infections notamment les périodes et les quartiers à risques. Elle a aussi permis de connaître les différents moyens et méthodes utilisées pour lutter contre la propagation de cette maladie. Ainsi, l’on a pu identifier au cours de ces enquêtes, les stratégies développées par les populations et les autorités communales.
1.1.2. Les données secondaires
Ce sont entre autres les données cartographiques, climatiques et sanitaires. D’abord, les données cartographiques proviennent de la base de données cartographique du BNETD (2012-2014). Ensuite, les données climatologiques (pluviométrie, température, humidité relative) ont aussi été téléchargées sur internet www.power.larc.nasa.gov. Ces données concernent la période de 1988-2018, et ont été mises à notre disposition en juillet 2019. Enfin, les données épidémiologiques sur les IRA qui ont été obtenues dans les centres de santé de la ville. Cela nous a permis d’obtenir une base de données relative au nombre de cas de IRA dans la ville de Soubré de 2009 à 2019. L’objectif est de déterminer à base de données cartographiques et sanitaires, les zones susceptibles d’être qualifiées de zones à risques. On appellera « zones à risques », les quartiers qui après la fusion des données, auront observé les plus forts taux de IRA. Pour cela une échelle de catégorisation a été mise en place par plage de couleur notamment ‘zones à faibles risques’, ‘zones à moyen risques’ et ‘zones à forts risques’.
1.2. Méthode de traitement des données
Plusieurs méthodes statistiques ont permis d’analyser les différentes données collectées en l’occurrence l’indice de Nicholson et le Test de Pettitt, la matrice de Pearson et le test de khi², ainsi que l’utilisation de l’outil cartographique (Qgis et ArcGIS).
1.2.1. L’indice de Nicholson
L’indice de Nicholson a servi à caractériser la variation interannuelle de la pluviométrie et de la température. Cet indice mesure les écarts entre les hauteurs annuelles et la moyenne établie sur la série chronologique. Elle permet en outre de différencier les années excédentaires et déficitaires. Ainsi, l’indice annuel est calculé
par la formule : I= (xi – X) / Σ
xi : pluviométrie de l’année i
X : pluviométrie moyenne interannuelle sur la période de référence (1980-2018)
Σ : écart type de la pluviométrie interannuelle sur la période d’étude des données.
1.2.2. Le test de pettitt
Le Test de Pettitt (1979) a permis de détecter les ruptures dans nos différentes séries chronologiques. Cette rupture sera la matérialisation statistique d’un changement de données climatique. Ce test pose :
L’hypothèse nulle = absence de rupture. Si l’hypothèse nulle est rejetée à un taux élevé (95-99 %), cela signifie qu’il y a effectivement rupture dans la série chronologique. Par contre, si l’hypothèse nulle est acceptée à un taux élevé (95-99 %), la présence de rupture dans la chronique reste contestable.
1.2.3. Le coefficient de corrélation linéaire simple de Pearson
Le coefficient de corrélation linéaire simple de Pearson est une normalisation de la covariance par le produit des écarts-type de plusieurs variables. La matrice de corrélation de PEARSON entre deux variables x et y est établie par la formule suivante :
La mesure de r est définie entre : -1 < r < 1
Le coefficient de corrélation de PEARSON sert à caractériser une relation linéaire positive ou négative entre la pluviométrie, la température et les cas d’IRA. Ainsi, La valeur positive indique qu’il y a un lien direct entre les variables (si une variable augmente, l’autre augmente). La valeur négative indique le lien inverse (si une variable augmente, l’autre diminue). L’intensité de la relation entre les variables est déterminée par « r » en valeur absolue. Ainsi on a :
De 0 à 0,1 : aucun lien ou très faible ;
De 0,2 à 0,39 : lien faible ;
De 0,4 à 0,59 : lien modéré ;
De 0,6 à 0,79 : lien fort ;
0,8 et plus : lien très fort.
1.2.4. Le test de khi-Carré
Le KHI-Carré est utilisé pour quantifier et classifier la relation entre évolution des saisons et la maladie. Il est facilement réalisable en quelques étapes seulement. D’abord, il faut procéder à l’énonciation des hypothèses, puis définir des classes et calculer des fréquences observées. Ici, Deux grandes classes sont visibles à savoir les maladies et les saisons. Chacune d’elle contient obligatoirement des sous-classes, par conséquent pour les maladies on observera les IRA sous deux formes dont les Infections des Voies Aériennes Supérieures (IVAS) et les Infections des Voies Respiratoires Basses (IVRB), et pour les types de saisons il y aura la saison humide d’une part et la saison sèche d’autres part. Ensuite, pour passer de la fréquence observée à la fréquence théorique observée, l’on devra appliquer la formule suivante :
Fe = (Total colonne) * (Total ligne) / Grand Total
Enfin le Calcul de X² qui se traduit en fonction des fréquences est possible sous la forme suivante :
X² = (Fréquence Observée – Fréquence Théorique) ² /Fréquence Théorique
Les méthodes de Pearson et de Khi², ainsi que les données de consultations, ont permis à cette étude de pouvoir identifier à l’aide de la cartographie, les zones à risques.
2. Résultats
Le traitement des données a permis d’obtenir plusieurs résultats qui ont fait l’objet d’analyse.
2.1. Analyse des paramètres climatiques dans la ville de Soubré
2.1.1. Analyse interannuelle de l’évolution des indices pluviométriques
La pluviométrie dans la ville de Soubré a un régime bimodal. La pluviométrie dans la ville de Soubré présente deux (2) pics où les pluies sont abondantes, dont juin (198,47) et octobre (140,99). L’analyse interannuelle de la pluviométrie selon l’indice de Nicholson montre une fluctuation des tendances pluviométriques. En effet, le coefficient directeur 0,0662, selon l’équation de droite y= 0,0662x-1,0595 démontre une évolution positive. Certaines années sont déclarées excédentaires, comme l’année 2014 (2,61 mm) et 2016 (2,12 mm) et d’autres déficitaires à l’exemple de l’année 1998 (–1,002 mm) et 2006 (-0,09 mm). Toutefois, la plupart des années de cette série pluviométrique sont excédentaires. Les années de 1988 à 1994 peuvent être caractérisées de périodes sèches. Ce n’est qu’à partir des années 2003 que les tendances pluviométriques dans la ville ont démarré leur processus de fluctuation. De ce fait, notre série pluviométrique peut être définie comme une période humide. Le Coefficient de détermination R² donne un résultat de 0,36, soit une évolution positive de plus de 36% des quantités pluviométriques dans la ville de Soubré durant les 30 années d’observation. L’indice de Nicholson appliqué aux données pluviométriques observées dans la ville de Soubré, témoigne donc, d’une véritable évolution de la pluviométrie dans la ville de Soubré (fig. 2).
Fig. 2 : Évolution des indices pluviométriques dans la ville de Soubré (1988 – 2018)
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : POWER NASA – 2019
2.1.2. Analyse interannuelle de l’évolution des indices thermiques
La température moyenne annuelle dans la ville de Soubré de 1988 à 2018 décrit une mutation sous l’aspect d’une alternance des valeurs chaudes et moins chaudes. En effet, ces variations thermiques mensuelles s’expliquent à plusieurs niveaux. Dans un premier temps, le constat le plus remarquable est celui de la plus haute température, dans le mois février (26,8°C) et de la plus basse en Juillet (23,9°C). D’un point de vue général, sur toute l’année, la moyenne thermique est de 25,4°C pour une amplitude annuelle de 2,9°C. On observe donc les plus fortes quantités thermiques dans les mois de janvier (26,7°C), février (26,8°C) et mars (26,6°C). Le mois d’avril quant à lui peut être considéré comme le mois de transition annonciateur des basses fréquences thermiques dans la localité. L’indice de Nicholson, appliqué à notre série chronologique, traduit le rapport de détermination indiquant à 35% une hausse des valeurs thermiques. Même si l’amplitude détectée est de 0,65°C, l’équation de droite y= 0,031x-61,726 permet de mieux apprécier et comprendre l’évolution de la température dans la ville de Soubré. De façon générale, la plupart des années de la série thermique sont excédentaires. Il existe aussi des années déficitaires, à l’image de 2001, 2005 et 2006. L’année 2005 par exemple fut marquée par une faible température (25,9°C) et une hausse des quantités de pluies (1441 mm). Par ailleurs, l’année 2018 présente l’indice le plus élevé (1,152°C) et est donc l’année la plus chaude de toute la série. L’indice de Nicholson appliqué aux températures observées dans la ville de Soubré, témoigne donc, d’une véritable évolution thermique à Soubré (fig3).
Fig. 3 : Évolution des indices thermiques dans la ville de Soubré (1988 – 2018)
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : POWER NASA – 2019
2.1.3. Analyse des données d’humidité
Durant la série chronologique, la moyenne mensuelle interannuelle de l’humidité relative est de 82,31%. Les quantités hygrométriques chutent en janvier puis elles augmentent progressivement jusqu’à atteindre un maximum au mois de juin. Ainsi, Le mois le plus humide est celui de juin (88%), tandis que le mois le plus faible est celui de janvier (70%). Sur cette période d’étude, on note une tendance évolutive mensuelle de 18% faisant de la ville de Soubré, l’une des villes les plus humides du pays. De plus, La série étudiée permet aussi de comprendre le comportement de l’hygrométrie dans la ville de Soubré au cours des années. En effet, la figure 4, justifie une évolution de l’hygrométrie dans le temps. Chaque année, ces fluctuations deviennent de plus en plus importantes. On note donc une moyenne interannuelle de 82%, avec l’année 2017 comme l’année la plus haute (87%) et 1992 la plus faible (77%) : ce qui justifie une tendance équivaut à 10%. Ce cumule de résultats observés permet de conclure que la ville de Soubré ressent fortement les effets de l’humidité relative. En outre, selon une analyse prospective sur les 5 ans à venir, sur les paramètres hygrométriques de la ville, traduit l’équation de droite y= 0,2187x+78,841. En effet, cela permet de comprendre que le taux de saturation d’eau dans l’air, risque d’être encore plus élevé avec une accentuation de la teneur et de la quantité (fig. 4)
Fig. 4 : Évolution interannuelle de l’humidité relative dans la ville de Soubré (1988-2018)
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : Power Nasa -2019
2.2. Analyse de l’évolution des cas d’infection respiratoire aigües dans la ville de Soubré
2.2.1. Analyse de la dynamique du nombre de cas d’ira
L’analyse interannuelle des données sur les IRA à Soubré a permis de faire un bilan sur son évolution dans la ville. Chaque année, ce sont en moyenne plus de 4000 cas diagnostiqués dans les locaux sanitaires. L’on a pu constater de façon générale une évolution progressive du nombre de cas des IRA avec deux pics vraiment importants (fig. 4). Dans la ville de Soubré, les valeurs des IRA varient entre 2000 et 7000 cas. En effet, le pic le plus bas qui est de 2050 cas, se situe en 2010, tandis qu’on observe le pic le plus élevé en 2014 avec 7200 cas. Ainsi, de façon générale, l’analyse des données nous présente trois (3) tendances particulières :
D’abord de 2009 à 2010. Selon les entretiens avec les responsables de la santé de l’hôpital général de Soubré, cette tendance est basse car les données enregistrées ont pour la plupart été saccagées lors de la crise sociopolitique qu’a connu la Côte d’Ivoire en 2011. Plusieurs matériels ont été pillés et des documents brulés. On assiste donc à une perte de données. Toutefois, certaines données ont pu être récupérées. Ensuite de 2011 à 2015. Cette tendance à la hausse est due à plusieurs facteurs. En effet, après la crise, on a assisté à une réhabilitation des infrastructures sanitaires endommagés. De plus, pour la relance économique de la ville, les autorités riveraines ont entrepris plusieurs travaux de construction dont celui des voies bitumées. Cette situation qui donne place à un degré élevé de poussières dans l’atmosphère, est le siège de prolifération des micro-organismes qui fragilisent le système respiratoire. De ce fait, on a enregistré environ 7200 cas en 2014 qui représente l’année des grands chantiers de la ville. Aussi, avec sa participation dans l’économie du pays en termes de grande région productrice de cacao, Soubré accueille des migrants issus des villes ou pays voisins. Ainsi, on assiste à une augmentation de la population qui crée donc une promiscuité. En effet, la promiscuité, reste l’une des causes les plus directes du risque de propagation des IRA. Enfin, la dernière tendance de cette décennie de 2016 à 2019, est marquée par une chute qui peut s’apparenter à une constance du nombre de cas d’IRA en raison de l’installation du réseau routier établie en 2014. Cette restructuration a permis la création de plusieurs caniveaux favorisant l’écoulement des eaux (fig. 5). De façon spécifique, le coefficient de détermination R² indique une évolution positive dans le temps, du nombre de cas des IRA dans la ville de Soubré entre 2009 et 2019, à environ 22%.
Fig. 5 : Évolution interannuelle du nombre de cas d’IRA dans la ville de Soubré (2009-2019)
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : HGS (Hôpital général de Soubré) – 2019
2.2.2. Classification des types d’infections couramment rencontrés
La distribution interannuelle des différents types d’infections des voies respiratoires montre que les Infections des Voies Respiratoires Basses (IVRB) sont les plus élevées. Selon Les rapports sanitaires, de 2009-2014, les centres de santé ont enregistré 12752 cas d’IVAS contre 12384 cas d’IVRB, tandis que de 2015-2019 on assiste à une évolution du nombre de cas des IVRB (10084 cas), contre une baisse considérable du nombre du cas des IVAS (9829 cas).
De façon générale, dans la ville de Soubré, les infections respiratoires aigües sont des maladies fréquentes. D’après la synthèse des données, on constate un taux élevé de Rhinopharyngite (27%), suivi par la pneumonie (24%) et la bronchite (23%). Les autres notamment les angines, la sinusite et l’Otite Moyenne Aigüe (OMA) sont des maladies secondaires (tabl. 1).
Tabl. 1 : Distribution interannuelle des types d’IRA
IRA HAUTE | IRA BASSE | |
Campagne 2009-2014 | 12 752 | 12 384 |
Campagne 2014-2019 | 9 829 | 10 084 |
Sources : HGS, Nos enquêtes – 2019
Dans les locaux sanitaires de la ville, notamment dans les services pédiatriques, le nombre de cas diagnostiqué est chaque jour plus élevé. La bronchite est l’une des maladies les plus sévères sur l’échelle des Infections des Voies Respiratoires Basses (IVRB) après la pneumonie (fig. 6).
Fig. 6 : Classification des risques d’IRA dans la ville de Soubré en 2019 (MOGOU – 2019)
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : HGS – 2019
2.3. Analyse des facteurs de développement des infections respiratoires aigües dans la ville de Soubré
2.3.1. Analyse des corrélation entre l’évolution du climat et le développement des IRA
2.3.1.1. Test de corrélation selon Pearson
L’analyse des paramètres climatiques dans la ville de Soubré révèle une augmentation des quantités pluviométriques et hygrométriques offrant à la ville un climat quasi humide ; même si les températures restent élevées. Cette condition est classée comme l’un des véritables facteurs de développement des IRA (BESANCENOT, 2007 : 23).
L’équation de droite (y= 89,836x + 991,6) de la courbe de variation du nombre de cas d’IRA diagnostiqué durant la période 2009 à 2018 induit une valeur positive et un coefficient de détermination R² (54%). Durant cette période, la courbe des températures confirme également une positivité (y= 0,0261x + 25,108), et des fluctuations à plus de 65%. Dans ce cas précis, il a été effectué d’après le test de corrélation entre les températures et le nombre de cas d’IRA. Ainsi, le coefficient R² entre les données thermiques et celles des IRA est de 0,42 soit (42%) de taux d’influence (fig. 7).
Fig. 7 : Rapport entre l’évolution thermique et les IRA dans la ville de Soubré (2009-2018)
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : HGS – 2019
La relation de PEARSON entre la pluviométrie et le nombre de cas d’IRA, est de 0,81. En Outre, la valeur du coefficient de détermination R² décrit également un contexte de dépendance (0,65) soit à 65% entre la pluviométrie et le nombre de cas d’IRA dans la ville. Ainsi, une fluctuation des quantités de pluies engendre une évolution de la maladie. Même si les rapports de la pluviométrie sur cette période d’analyse témoignent juste une évolution à 21%, son coefficient de droite (y = 35,073 x + 1205,8) vérifie une tendance positive et juge donc d’une fluctuation importante. Ceci dit, une fluctuation des quantités pluviométriques annuelles de 35,07 mm donne environ 90 cas d’IRA. (fig. 8).
Fig. 8 : Rapport entre l’évolution des paramètres climatiques humides et le nombre de cas des IRA dans la ville de Soubré (2009-2018)
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : HGS – 2019
On retient donc des résultats du test, à une valeur très significative (0,70) une interdépendance entre les différents paramètres climatiques et le nombre de cas d’IRA. De façon spécifique, les résultats de la matrice de PEARSON présentent une forte corrélation entre la pluviométrie et le nombre de cas d’IRA dans la ville avec 0,81 suivie de l’hygrométrie (0,67) et de la température (0,65). Ainsi, ces résultats traduisent une hypothèse relative à l’existence d’une corrélation entre l’évolution des paramètres climatiques et le développement des IRA dans la ville de Soubré. (tabl. 2).
Tabl. 2 : Corrélation entre climat et les IRA selon la matrice de PEARSON
Source : HGS – POWER NASA – 2019
H (%) : Humidité relative (%)2.3.1.2. Test de corrélation selon khi-carré
Le test de Pearson nous ont permis d’affirmer que l’évolution climatique pourrait entraîner le développement des IRA. Cependant, le test de Khi ² a permis de définitivement vérifier et quantifier la relation existante entre les saisons climatiques et les IRA. Ainsi, dans un croisement de données, l’on a identifié les saisons humides d’une part et sèches d’autres part. En effet, pendant les saisons sèches, l’on observe une fréquence élevée des cas d’IVAS notamment 1211 cas contre 947 cas d’IVRB ; tandis qu’en saisons humides, on enregistre environ 1030 cas des IVAS contre 1141 cas des IVRB (tabl. 3).
Tabl. 3 : Répartition des cas d’IRA enregistré par saisonInfections des Voies Aériennes Supérieures (IVAS) | Infections des Voies Respiratoires Basses (IVAB) | Totaux | |
Saisons Sèches | 1211 | 947 | 2158 |
Saisons Humides | 1030 | 1141 | 2171 |
Sources : HGS, Nos enquêtes – 2019
Cela montre que les fluctuations saisonnières constatées ces dernières années influencent négativement la santé des populations de la ville. La confirmation du rapport fut possible grâce à un intervalle de confiance et une déduction de la valeur KHI-CARRE des tables qui équivaut à 3,84. Ainsi, les résultats du test de Khi ² exécuté avec une valeur alpha de 0,5% (soit un seuil de confiance à 95), donne 5,53 qui est supérieur à la valeur des tables. On peut déjà dire que le climat de façon général favorise le développement des IRA (tabl. 4).Tabl. 4 : Rapport du test de KHI-CARRE
Valeur KHI-CARRE | Valeur des Tables (α=5%) | |
Rapport de corrélation | 5,53 | 3,84 |
Sources : HGS – Nos enquêtes – 2019
En plus de justifier l’hypothèse, le test de Khi ² a permis d’identifier les périodes susceptibles de contracter des infections respiratoires appelées « Périodes à basses ou à hautes fréquences ». On retient que les saisons sèches accentuent le nombre de cas des IVAS et les saisons humides les IVRB. Par conséquent, les maladies issues des Infections des Voies Aériennes Supérieures (IVAS) telles que les rhinopharyngites, la sinusite, l’angine se développent plus en saisons sèches en raison du niveau de poussière contenu dans l’air tandis que la plupart des Infections des Voies Respiratoires Basses (IVRB) se font plus sentir en saisons humides.
En conclusion, d’un point de vue général, l’augmentation du risque d’IRA dans la ville de Soubré est relativement favorisée par l’arrivée des saisons pluvieuses. Cette répartition saisonnière s’explique par l’amplification des agents pathogènes (virus, bactéries, champignon) capable d’entraîner la maladie (fig. 9).
Fig. 9 Taux saisonnier relatif aux risques de propagation des IRA
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : HGS – POWER NASA – Nos enquêtes -2019
Les analyses des différents tests ont montré qu’il existe un rapport de corrélation très étroit entre l’évolution des paramètres climatiques et le développement des IRA dans la ville de Soubré. Pourtant, malgré ces taux de rapports très significatifs, il faut dire que les facteurs du climat ne sont pas les seules causes explicatives de l’accroissement du nombre des IRA dans la ville.
2.3.2. Autres facteurs de développement des IRA
La ville de Soubré suite à son niveau d’urbanisation, son réseau routier constitue un facteur de propagation des agents pathogènes. En effet, il n’existe que 4 axes bitumés qui malgré les services de nettoyages restent couvertes par de grandes quantités de poussières. Ainsi la ville dispose de plus de 80% de voies non bitumées. Le développement de l’activité de transport urbain induit une fréquentation importante des rues non bitumées. Par conséquent, en période sèche, le passage régulier de véhicule sur ces voies génère d’important quantité de poussière dans l’air. Cela expose les populations de certains quartiers comme Gbakalékpa ou Camps mannois, à un risque d’infection plus important. La poussière et les CO2, sont facteurs de dégradation de la santé. Dans la ville de Soubré, le modèle de construction le plus observé est la « cours communes » (concession). Environ huit (8) maisons sur dix (10) ont cette configuration architecturale et cela favorise la promiscuité. En saison pluvieuse, plusieurs endroits de la ville deviennent impraticables. L’écoulement de l’eau se fait difficilement et l’infiltration est de plus en plus compliquée en raison de la texture hydromorphe du sol ; ceci dit, on assiste souvent à des inondations ou à des stockages d’ordures. Les eaux usées ne s’écoulent mais elles stagnent. Cela constitue un facteur d’émergence de parasites en raison des eaux usées, des mauvaises odeurs, de l’humidité et l’apparition de moisissures ( fig. 11).
Fig. 11 : Des facteurs environnementaux
Cliché : Brice MOGOU – 2019
Dans la ville de Soubré, les petites activités sont majoritaires à l’image de celle de la fabrication de l’attiéké. De cette activité, une immixtion se crée entre les lieux de productions et l’environnement car la pression de la pâte entraîne un dépôt de liquide amidonné. Plus tard, ce liquide se décompose et devient un facteur de naissance et de prolifération des parasites. En plus, de celle-ci, il existe dans la zone une coopérative de femmes exerçant l’activité de la saponification. Ces femmes utilisent des caches nez en guise de protections contre les expositions aux effets toxiques pouvant affecter leur santé et qui malheureusement restent sur le sol et produisent à la longue des parasites. Aussi, le manque de moyens ou de sensibilisations conduit parfois les populations de la ville de Soubré à l’utilisation des médicaments de la rue au risque de dégrader et réduire à l’inefficacité leurs mécanismes de défense. En effet, la nouvelle tendance de la jeunesse pousse certains à s’adonner à des pratiques malsaines telles que l’alcool, la cigarette et même la « Chicha ». Selon l’entretien avec les responsables de la santé, il a été déclaré que : « le mélange de tabac et de débris toxiques est porteur de l’hépatite B, qui à long terme impacte le fonctionnement des poumons puis accélère le risque d’infection des voies respiratoires basses. Au pire des cas, cette pratique peut conduire à la mort ». Pour renchérir, notons que les facteurs sociaux et environnementaux, jouent un rôle aussi important dans la prévalence des IRA dans la ville de Soubré (fig. 12).
Fig. 12 : Des facteurs économiques et comportementaux
Cliché : Brice MOGOU – 2019
2.4. Analyse des impacts de l’évolution climatique sur le développement des IRA
2.4.1. Cartographie des IRA À Soubré
L’analyse des registres curatifs des locaux sanitaires entre le taux des IRAS et des IRAB montre que les quartiers de la ville ne sont pas tous impactés par le même type d’infection. En effet, après analyse, les quartiers fortement influencés sont Gbakalékpa (14,97 %) au Nord, et Camps mannois (14,84%) à l’Est. En raison d’une forte proportion de poussière dans l’air due à l’insuffisance de voies bitumées, on observe dans ces quartiers, un taux élevé de rhinite avec plus de 80% du nombre de cas diagnostiqué, suivie des cas de sinusites (10%), puis des angines (7%). Les Otites sont existantes cependant avec un diagnostic assez réduit (moins de 3%). Dans un second temps, notons que dans les quartiers Gabon et Madou Sahoua, on observe un certain nombre de dépôts d’ordures qui favorisent les mauvaises odeurs. En sommes retenons que les IRAS sont existantes dans la ville de façon générale, cependant, le Nord et l’Est restent les plus touchés (fig. 13).
Fig. 13 : carte des riques des IRAS par quartier
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Sources : HGS, Nos enquêtes – 2019
Les cas de pneumonies et de bronchites connaissent eux aussi une évolution non négligeable à travers la ville. Toutefois, les quartiers Gbakalékpa (35%), Camps Mannois (29%) et Gabon (23%) semblent être les plus concernés. Dans ces quartiers, on note une forte proportion de pneumonie (55%) contre (45%) de cas de bronchite en moyenne. Les quartiers les moins susceptibles sont ceux de Nambouhi avec une dominance de pneumonie (65%) contre (35%) de cas de bronchite, tandis que le quartier Madou Sahoua révèle un taux élevé de cas de bronchite (58%) contre (42%) de cas de pneumonie. Ce résultat traduit que ces quartiers sont favorables aux Infections des Voies Respiratoires Basses (IVRB) (fig. 14).
Fig. 14 : carte des risques des IRAB par quartier
Réalisation : Brice MOGOU – 2019 / Source : HGS, Nos enquêtes – 2019
2.4.2. Classification des risques
Le quartier Nambouhi situé au Nord-Ouest est désigné comme la zone la moins infectée. En effet, cette zone est certes touchée par l’humidité au sol en raison de son emplacement géographique (des vallées pour la plupart drainées). Cependant, le flux migratoire est limité. Ce constat indique que les flux jouent un rôle assez important dans la transmission des IRA. Le centre de la ville et le Sud sont des zones à risque moyen. Le secteur centre est beaucoup favorisé par l’affluence du grand marché. Le Nord-Est (Gbakalékpa) et l’Est (Camps mannois) de la ville sont classés comme des zones à fort risque. Ces résultats sont aussi justifiés par les rapports de consultations médicales (fig. 15).
Fig. 15 : Carte des zones à risques d’infections dans la ville de Soubré
Réalisation : Brice MOGOU (2019) / Sources : HGS, Nos enquêtes – 2019
2.5. Stratégies de lutte contre le développement des IRA
2.5.1. Les efforts des populations de la ville de Soubré
Suite au risque élevé des IRA dans les quartiers de la ville de Soubré, les populations riveraines et les autorités ont opté pour des stratégies de lutte, dans le but de préserver leur santé. De ce fait, les populations ont eu recours à des pratiques sommaires par la création des canalisations et des opérations de nettoyage trimestriel, organisées par la mairie. Malgré leurs bonnes volontés, il arrive parfois que ces populations succombent à la maladie. Pour y remédier, celles-ci trouvent refuge en la médecine traditionnelle qui pour certains est perçue comme ‘la technique miracle ’ avec l’utilisation de plantes telles que les feuilles de basilics communément appelés « Amangninrin, en langue baoulé ‘une Ethnie du centre de la Côte d’Ivoire’ », les feuilles de Djéka, les feuilles de teck, le citron et le gingembre. D’après les données d’enquêtes de terrain, plus de 70% des porteurs sains pratiquent l’automédication (fig. 16).
Fig. 16 : Moyens stratégiques de lutte entreprises par les populations contre les Infections Respiratoire à Soubré
Cliché : Brice MOGOU – 2019
2.5.2. Les appuis des pouvoirs publics dans la ville de Soubré
Pour pallier au risque de recrudescence des IRA, les autorités étatiques, communales et même les ONG ont mis en place des stratégies. La majorité de ces stratégies tournent principalement autour de deux (2) programmes à savoir la prévention et la prise en charge thérapeutique. Les méthodes et moyens de préventions sont des mesures prises qui consistent à rendre inefficace l’avènement de la maladie.
Fig. 17 : une prise en charge médicale
Cliché : Brice MOGOU – 2019
Ces mesures qu’utilisent l’État se concrétisent en deux (2) volets que sont les campagnes de sensibilisations (la sensibilisation et la formation des populations sur la conduite à tenir pour éviter et/ou pour repousser les IRA), et les périodes ou campagnes de vaccinations à l’image des Programmes Élargis de Vaccinations (PEV). Ces vaccinations luttent contre la tuberculose, les infections à Haemophilus influenzae (Hib) et bien d’autres, et concernent les enfants de moins de 3 ans (fig. 17). En appuis à cela, il existe des centres de santé pour la prise en charge thérapeutique. Ainsi, la ville dispose de plusieurs centres de santé dont 4 publiques à savoir l’Hôpital Général, plusieurs dispensaires et des cliniques privées, repartis en centroïdes dans les quartiers permettant un accès facile aux soins pour les populations.
Notons que la cartographie sanitaire de la ville présente une distribution assez moyenne des centres de santé. Toutefois les quartiers Gbakalékpa et Gabon bénéficient d’au moins quatre (4) centres de santé (fig. 18).
Fig. 18 : carte du volume des structures sanitaires
Brice MOGOU – 2019 / Sources : HGS, Nos enquêtes
3. Discussion
Cette présente étude s’est donnée pour objectif de montrer les impacts de l’évolution climatique sur le développement des infections respiratoires aigües (IRA) dans la ville de Soubré. En se basant sur d’importants hypothèses notamment sur la part du climat dans la survenue des IRA. Plusieurs travaux scientifiques ont été élaborés dans ce sens. L’influence du facteur climatique sur la dégradation de la santé des populations, est soutenue par Tanoh (2014 : 44-52). Il développe qu’en Côte d’Ivoire, durant le période de 2000 à 2014, l’augmentation du taux de méningite dans la zone de Korhogo fut dépendante des effets de la variabilité des quantités pluviométriques. Selon Kanga (2018 : 62-71) l’humidité relative influence l’endémicité palustre et varie en fonction de la température. Cela dit, elle a un effet déterminant sur la survie et l’activité des moustiques. Tous ces écrits justifient notre thématique à savoir « Climat et santé ».
De façon spécifique, (Cantrelle 2005 : 15) affirme que les surmortalités saisonnières sont dues principalement à des pneumonies et autres infections respiratoires aiguës à Madagascar. Dans ce même courant, Besancenot (2006 : 23), dans son rapport sur les maladies infectieuses et le climat, montre que les maladies infectieuses sont sous la dépendance plus ou moins partielle du contexte climatique. Cette idée, (Akotare 2008) la développe en affirmant que l’enfant a plus de risque de contracter une IRA (soit une pneumonie ou une rhinopharyngite) pendant la saison froide ou la saison humide. De Longueville (2013 : 139-150) va plus loin et déclare par le coefficient de Pearson et le test de Spearman, que les conditions de froid et de sécheresse sont associées à des augmentations des cas d’infections respiratoires aiguës basses. Pour lui, le taux d’IRAB à l’image des pneumonies augmentent de façon progressive par des saisons marquées. Ces différents travaux sus-cités, sont en accord avec nos résultats surtout quand nous affirmons que le changement climatique joue un rôle prépondérant dans la survenue des IRA. Toutefois, le climat n’est pas le seul facteur. Pierre Aubry et al (2018), cités par (Bosson 2016 : 94), ont eux aussi pu confirmer que l’exposition à des mauvaises odeurs accentue le risque des IRA ; cela affecte généralement les poumons et favorisent encore plus les Infections des Voies Respiratoires Basses (IVRB). Au niveau des propositions de solutions et des stratégies de luttes, l’État Ivoirien prend des dispositions sur le réchauffement climatique et ses impacts sur l’environnement grâce à des mesures législatives et surtout institutionnelles (J.V Kouassi 2005 : 12). Aussi, il encourage et finance des campagnes de luttes et de vaccinations sous la tutelle du ministère de la santé et de l’hygiène publique, surtout pour les plus jeunes afin d’éviter les infections des Voies Respiratoires. Il s’agit du Programme Élargi de Vaccination (PEV) qui a été lancé sous forme de pilote depuis 1978 (CNEIV-CI). Des recherches médicales se font avec des prises en charge comme le témoigne DJE BI (2015 : 79-80) pour les cas d’asthme.
Conclusion
D’abord, cette étude se devait d’analyser les paramètres climatiques dans la ville de Soubré sur une série de 30 ans en vue d’une éventuelle caractérisation de celles-ci. Notons que les paramètres climatiques notamment pluviométrie, température humidité relative, ont connu au cours de la période d’étude, des changements importants. En effet, les analyses interannuelles ont permis de conclure une évolution positive de la température (35%), de la pluviométrie (36%) et de l’hygrométrie (43%).
D’un autre côté, l’analyse des données sanitaires montre que sur la décennie de 2009 à 2019, l’évolution du nombre de cas des IRA a connu deux (2) pics majeurs notamment en 2010 (2050 cas) et 2014 (7200 cas). En somme, ce sont en moyenne 4000 cas qui sont diagnostiqué par an dans les structures sanitaires. Dans la ville de Soubré, les types d’infection les plus aperçus sont la rhinite (27%), la pneumonie (24%), la bronchite (23%), l’angine (10%), la sinusite (9%) et l’otite (7%). Les tests de corrélation en l’occurrence celui de Pearson et le KHI², permettent donc de justifier une interdépendance à plus de 70%, entre les éléments du climat et le développement des cas IRA dans la ville de Soubré. De ce fait, on arrive à conclure que les saisons humides favorisent la prolifération des IRA à 51% et les saisons sèches à 41%. La cartographie des IRA dans la ville de Soubré, nous montre une répartition du nombre de cas par quartier. Par conséquent, l’on observe que le quartier Gbakalékpa situé au Nord-Ouest avec environ 35% du nombre de cas détecté, reste la zone à haut risque de contamination suivie du quartier Camps Mannois (29% des cas) situé à l’ouest. Les quartiers Madou Sahoua (15% des cas) situé au centre et Gabon (13%) localisé au Sud, sont les quartiers à risque moyen. Enfin, le quartier Nambouhi (8% des cas enregistré), est pour l’instant la zone à risque faible. Afin de mieux gérer le bien-être des populations, les autorités et les riverains, ont mis en place plusieurs stratégies. Toutefois, si ces stratégies se veulent efficaces, une suivie devra être faite et au niveau des mesures d’accompagnement.
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Auteurs
Logbo Brice Ézéchiel MOGOU
Doctorant – Université Alassane Ouattara-Bouaké,
UFR-CMS, Département de géographie
Laboratoire d’Hydro- Climatologie, Télédétection et d’Environnement (LHCTE)
Courriel : Mogoubrice@gmail.com
N’dri Yann Cédric KOUADIO
Doctorant,
Université Alassane Ouattara-Bouaké, UFR-CMS, Département de géographie
Laboratoire d’Hydro- Climatologie, Télédétection et d’Environnement (LHCTE)
Courriel : yanncedric202@gmail.com
Beh Ibrahim DIOMANDÉ
Maître de Conférences,
Université Alassane Ouattara-Bouaké,
UFR-CMS, Département de géographie,
Laboratoire d’Hydro- Climatologie, Télédétection et d’Environnement (LHCTE)
Courriel : beh.ibrahimdiomande@gmail.com
Auteur correspondant
Logbo Brice Ézéchiel MOGOU
Courriel : Mogoubrice@gmail.com