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Mor FAYE – Ibrahima THIAW – Said Bacar AHAMADA


Impacts de la pandémie de la covid-19 sur la qualité de l’air à Dakar : analyse des polluants pm 2.5, pm10 et no2 durant la période pré et post état d’urgence

Impacts of the covid-19 pandemic on air quality in Dakar : analysis of pollutants pm 2.5, pm10 and no2 during the pre and post state of emergency period


Mor FAYE – Ibrahima THIAW – Said Bacar AHAMADA

Résumé

La question de la qualité de l’air est essentielle dans le cadre du développement durable. Ainsi, en ce XXIe siècle, la pollution atmosphérique due aux activités socio-économiques devient de plus en plus incontournable pour l’environnement. La pandémie de COVID-19 déclenchée en 2020 a perturbé les activités économiques. L’objectif du présent travail est de montrer les impacts de la COVID-19 sur la qualité de l’air durant la période de prise de mesures d’état d’urgence. Il s’agit d’une étude comparative à visée analytique, incluant les polluants atmosphériques : les données de concentration de l’azote et particules fines en suspension fournis par le Centre de Gestion de la Qualité de l’Air (CGQA) à Dakar. L’analyse de ces polluants atmosphériques recueillis pendant quatre mois a été comparée à celle de l’année antérieure (2019), avant la pandémie. Pour mener à bien l’étude, les résultats sont scindés en deux périodes. Ainsi, la période du 16 mars au 30 avril 2020 montre une baisse importante du dioxyde d’azote, de 45%, et une augmentation légère, de 9%, de particule fines en suspension. Quant à la période du 1er mai au 30 juin 2020, elle révèle une chute de 54% du dioxyde d’azote et une augmentation exponentielle de 65% des particules de PM10.

Mots-clés : Dakar, qualité de l’air, dioxyde d’azote, particules fines, Coronavirus.

Abstract

The issue of air quality is essential in the context of sustainable development. Thus, in this 21st century, atmospheric pollution due to socio-economic activities is becoming increasingly unavoidable for the environment. The COVID-19 pandemic triggered in 2020 disrupted economic activities. The objective of this work is to show the impacts of COVID-19 on air quality during the period of taking state of emergency measures. This is a comparative study for analytical purposes, including atmospheric pollutants: the concentration of nitrogen and fine particles in suspension provided by the Air Quality Management Center (CGQA) in Dakar. The analysis, these air pollutants collected for four months were compared to those of the previous year (2019) before COVID-19. To properly conduct the study, the results are divided into two periods. Thus, the period from March 16 to April 30, 2020 shows a significant drop in nitrogen dioxide of 45% and a slight increase of 9% in fine particles in suspension. As for the period from May 1 to June 30, 2020, it reveals a 54% drop in nitrogen dioxide and an exponential increase of 65% in PM10 particles.

Keywords : Dakar, air quality, nitrogen dioxide, fine particles, Coronavirus.

Introduction

Le développement économique s’est accompagné d’un besoin accru en énergie, à laquelle seuls les combustibles fossiles pouvaient répondre, en particulier le charbon. L’utilisation de ces combustibles a ainsi engendré un accroissement des polluants dans l’air. Cependant, le passage du système de production essentiellement artisanal à une production industrielle de masse a marqué l’entrée dans l’ère de la pollution atmosphérique structurelle, avec un impact important sur l’homme et la nature. L’organisation mondiale de la santé (OMS) signalait déjà en 2014 que la pollution de l’air avait responsable de 3,7 millions de décès en 2012, soit 6,7% du total des décès dans le monde. Cette pollution atmosphérique est la cause de 16% de décès par cancer de poumon, 11% de décès dus aux broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO). 29% des décès sont provoqués par les maladies cardiaques et les accidents vasculaires cérébraux, et environ 13% des décès sont dus à une infection respiratoire. Ces chiffres sont le résultat direct de l’activité humaine. C’est la raison pour laquelle la préservation de l’air est devenue aujourd’hui un enjeu sanitaire, environnemental, économique et juridique dans tous les pays. Dans les pays africains, la pollution de l’air intérieur comme extérieur apparait désormais comme un problème de santé publique. Sur le continent, elle est responsable de près d’un million de décès prématurés, attribués à la fois à l’augmentation excessive de l’industrie artisanale, au transport assuré par des véhicules anciens importés et à l’utilisation de technologies polluantes comme le fourneau. A Dakar, la pollution de l’air gagne du terrain du fait de son statut de capitale macrocéphalique du Sénégal. Cette ville-région qui occupe 0,3% du territoire national concentre plus de 70% du parc automobile et abrite pratiquement toutes les installations industrielles du Sénégal (Diokhané 2018 : 31).

Cependant le centre de gestion de la qualité de l’air placé sous la tutelle de ministère de l’environnement notamment la Direction de l’Environnement et des Etablissements Classés (DEEC) a mis au point l’Indice de Qualité de l’Air (IQA) servant à évaluer la qualité de l’air sur le territoire. En outre, le Centre de Gestion de Qualité de l’Air (CGQA) dispose de six stations reparties dans l’ensemble de la région de Dakar pour identifier et suivre l’évolution des polluants existants afin de protéger la santé publique (fig. 1). Depuis 2020, plusieurs unités économiques des secteurs formels et informels dans la région de Dakar ont rencontré des difficultés économiques. Cela est dû à l’apparition en décembre à Wuhan (Chine) de la pandémie de COVID-19 (Dashraath et al 2020 : 12). Pour limiter la propagation de cette dernière, un protocole sanitaire a été mis en place à l’échelle nationale à partir du 12 mars 2020. La fermeture des établissements scolaires ainsi que des mesures de couvre-feu, ont été mises en application à partir du 16 mars. Ces mesures ont entrainé une baisse considérable des activités sur le territoire national et à l’échelle mondiale. Le rapport de l’ANSD 2020 (ECI) a révélé que 95,5% des 125 entreprises enquêtées ont été impactées par la pandémie (Sagna 2020 : 22). En est-il de même pour la qualité de l’air?

1. Présentation de Dakar

La région de Dakar est située à l’extrême ouest de la presqu’île du Cap-Vert, au bord de l’Océan Atlantique (fig.1). Et s’étend sur une superficie de 550 km², soit 0,3 % du territoire national. Elle est comprise entre les 17°10 et 17°32 de longitude ouest et les 14°53 et 14°35 de latitude nord. Elle est limitée à l’est par la région de Thiès et par l’Océan Atlantique dans ses parties nord, ouest et sud. La région de Dakar est l’une des 14 régions administratives du Sénégal. Elle est la capitale politique, économique et culturelle du pays et abrite plus de 40% du tissu économique national (Rapport RGE 2018 : 4). Comparativement aux autres régions du pays, elle est la plus petite et enregistre la plus grande densité de population. La région de Dakar ” concentre à elle seule 80% des activités économiques, industrielles et commerciales et environ le quart de la population totale du pays”.

Fig.1 : Localisation de la région de Dakar

Source : Direction de l’Aménagement du Territoire (DAT)

La zone d’étude (Dakar) est sous l’influence du domaine sahélien à deux saisons qui peuvent être distinguées en fonction du critère pluviométrique : une longue saison sèche et une courte saison pluvieuse. Son climat maritime doux et humide est caractérisé par trois ou quatre mois de saisons des pluies et huit ou neuf mois de saison sèche. Les apports pluviométriques sont très irréguliers d’une année à l’autre.

La circulation éolienne annuelle à Dakar est caractérisée par la succession de deux flux : l’alizé et la mousson. L’alizé est caractérisé par sa fraîcheur et sa direction nord. Il circule à Dakar durant la saison non pluvieuse. Durant la saison sèche qui est la plus longue, ce sont les vents du nord qui dominent la circulation atmosphérique. L’alizé maritime issu de l’anticyclone des Açores de direction nord-nord-est est caractérisé par la fraîcheur dans la période qui va d’octobre à février. Les vents du nord dominent la circulation durant huit mois et se répartissent comme suit : octobre 80 %, novembre 100 %, décembre 100 %, janvier 100 %, février 80 %, mars 80 %, avril 100 %, mai 100 %.

Fig. 2 : Les différents départements de Dakar

2. Méthodologie

2.1. Collecte des données

Le suivi opérationnel de la pollution de l’air a démarré en 2009 avec la mise en place du centre de gestion de la qualité de l’air (CGQA). Les mesures se font pour l’heure sur cinq sites localisés dans le département de Dakar (Medina, Bel Air, Yoff, HLM, Cathédrale) qui sont complétées par un laboratoire mobile qui effectue des mesures dans des endroits ciblés. Elles concernent les polluants suivants : le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote, les particules fines en suspension, l’ozone, le monoxyde de carbone et les substances volatiles. Les données journalières obtenues permettent de définir un indice de la qualité de l’air (tabl. 1). Il permet de caractériser la qualité de l’air à Dakar qui est très liée à la saisonnalité.

Tabl. 1 : Indice de qualité de l’air et ses impacts significatifs

Source : CGQA – 2019

Fig.3: Les stations de mesure de la pollution de l’air à Dakar

Source : CGQA – 2019

Les données existantes couvrent une durée de 4 mois repartie en deux groupes à partir du 16 mars 2020. Elles ont été acquises auprès du Centre de Gestion de la Qualité de l’Air (CGQA) qui les a produit à partir d’une méthode de collecte qui a consisté à évaluer la concentration d’azote et des particules en suspension (PM 10, PM 2,5) dans l’atmosphère qui sont des substances ayant des effets sur la santé. Le recours aux données de la CGQA répond à un souci d’avoir des informations fiables montrant l’état de l’air sur la période d’étude. La période de l’étude et d’analyse des données concerne la date de fermeture des frontières le 17 mars 2020. La déclaration de l’état d’urgence du 23 mars a été accompagnée du couvre-feu. Ces mesures ont conduit à une perturbation des activités, notamment la réduction du transport.

Au regard du nombre croissant des cas de contamination, le Président de la République a annoncé la prorogation de l’état d’urgence à compter du 3 avril pour une durée de 3 mois. Des mesures de renforcement ont été ajoutées le 19 avril 2020 avec la réduction des déplacements. Ce travail concerne une durée de 4 mois, du 16 mars 2020 à la fermeture des écoles jusqu’aux levées de ces mesures de restriction au mois de juin. Les données de l’année 2020 seront donc comparées à celle de l’année antérieure pour atténuer l’effet de la COVID-19 sur la qualité de l’air.

2.2. Le choix des indicateurs

La démarche consiste en une étude quantitative visant à une analyse des indicateurs de la qualité de l’air :

    • NO2

Le dioxyde d’azote est un composé chimique de formule NO2. Concentré, il se présente comme un gaz brun-rouge toxique suffocant à l’odeur âcre et piquante. C’est un précurseur de la production industrielle de l’acide nitrique HNO3 et un polluant majeur de l’atmosphère terrestre produit par les moteurs à combustion interne (à diesel majoritairement) et les centrales thermiques. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le NO2 a des effets néfastes sur la santé : une exposition à long terme peut altérer la fonction pulmonaire et augmenter les risques de troubles respiratoires. Le dioxyde d’azote pénètre dans les voies respiratoires profondes, où il fragilise la muqueuse pulmonaire face aux agressions infectieuses, notamment chez les enfants.

    • Les particules fines PM 2.5 et PM 10

PM signifie « Particulate Matter », particules fines en anglais. Ces valeurs sont exprimées en microns. C’est à dire que les PM2.5 sont des particules d’un diamètre inférieur à 2.5 microns et les PM10, des particules d’un diamètre inférieur à 10 microns. Ces particules sont particulièrement dangereuses pour la santé car elles sont tellement fines qu’elles peuvent aisément pénétrer au plus profond de nos voies respiratoires. L’inhalation de ce type de particules se traduit en premier lieu par des bronchites chroniques et de l’asthme. Il existe 3 sources de pollutions majeures : Le trafic routier ; le chauffage (chauffage au bois notamment) et l’industrie.

2.3. Traitement des données

L’utilisation des méthodes inductives et déductives a permis de mieux orienter et atteindre les résultats de cette recherche. Les données ont été saisies et analysées à l’aide de logiciels statistiques et cartographiques. Les données recueillies ont été saisies et analysées à l’aide du logiciel Microsoft Excel. Celui-ci a permis d’élaborer les diagrammes, tableaux et figures. L’interprétation des résultats est faite à partir des observations et connaissances sur l’environnement et le développement durable. La cartographie a été effectuée grâce au logiciel Arc GIS dont les données ont été obtenues à la direction de l’aménagement du territoire.

3. Résultats

3.1. Baisse du dioxyde d’azote

L’analyse des données a permis de démontrer une diminution du dioxyde d’azote (NO2). En effet, l’observation de la figure 3 indique que les concentrations d’azote du 16 mars au 30 avril 2019 comparées à la même période en 2020 montrent une diminution du polluant. L’azote est un composant majoritaire de l’atmosphère terrestre sous forme de diazote avec le dioxygène et présent dans des nombreux composés organiques comme inorganiques. C’est un important ingrédient industriel principalement utilisé dans les engrais, dangereux pour l’environnement.

Fig. 3 : Concentration journalière de NO2 à Dakar entre mars et avril 2020

Source CGQA représentée par said Ahamada Bacar et Mor Faye – 2021

Au regard des deux courbes ci-dessus (fig. 3), la concentration journalière de NO2 en 2019 est plus élevée qu’en 2020 tout au long de la période du 16 mars au 30 avril. Néanmoins, on observe une baisse de taux du dioxyde d’azote du 17 au 19 mars en moyenne de 26 µg/m3. En outre, la pollution au dioxyde d’azote s’accroit de 21,3 à 30µg/m3 du 21 au 26 mars. Elle subit par la suite une forte baisse le 3 avril (5,9µg/m3) date à laquelle une fluctuation est enregistrée jusqu’au 30 avril. Les concentrations minimales et maximales durant cette variation sont respectivement 6 et 19 µg/m3. La concentration minimum de dioxyde d’azote enregistrée dans cette période est de 6µg/m3 à la date du 23 avril 2019. Quant à l’année 2020, on observe des variations croissantes périodiques des concentrations de dioxyde d’azote qui varie de 5 à 10 µg/m3 au mois de mars. Cette diminution est marquée par la mise en place du couvre-feu qui limite la circulation automobile au niveau national. Dans la période du 16 mars au 5 avril, la pollution au dioxyde d’azote reste constante en moyenne journalière de 6,59µg/m3. Cette pollution augmente après le 11 avril de 13µg/m3 et ensuite retrouve son niveau initial. Durant la période de d’étude, la concentration de dioxyde d’azote a atteint son maximum le 12 avril avec 13µg/m3 et son minimum le 16 avril avec 3µg/m3 en 2020.

3.2. Analyse de concentration de l’Azote du 1 mai au 30 juin des années 2019 et 2020

Fig. 4 : Concentration journalière de NO2 du 1er mai au 30 juin.

Source : CGQA – 2021.

D’après le graphique de la fig. 4, la concentration journalière de NO2 en 2019 est globalement supérieure à celle de 2020 durant la période du 1er mai au 30 juin. En 2019, antérieurement à la pandémie de COVID-19, la pollution induite par le NO2 présentait une variation aléatoire plus élevée 21µg/m3 le 15 avril et un pic maximal de 28 µg/m3 le 27 juin. Durant cette période la tendance minimale en moyenne de la pollution de NO2 est de 3µg/m3 le 6 juin 2019. Tandis qu’en 2020, en contexte de COVID-19, il a été enregistré une légère augmentation de la concentration journalière de NO2 dans la période du 1er mai au 5 juin avec une concentration de 8µg/m3. Du 5 au 30 juin, la concentration en dioxyde d’azote a augmenté et atteint en moyenne 11 ug/m3. Cette pollution est marquée par la reprise des transports interurbains du 6 juin qui fait de l’automobile un facteur de contribution au relèvement de la pollution atmosphérique en dioxyde d’azote. Dans l’ensemble de cette période, la concentration minimale est de 2,8 µg/m3. Ce qui traduit en effet la tendance à la baisse de la pollution de 55% du dioxyde d’azote dans l’air dans l’ensemble du territoire survenue lors du prolongement et du renforcement des mesures prises pour faire face à la pandémie. Cette évaluation par rapport à l’année 2019 (sans COVID-19) a permis de dresser un bilan consolidé de l’effet des mesures de restriction des activités destinées à lutter contre la propagation de la COVID-19 et confirme leur impact positif sur la qualité de l’air.

Fig. 5: Estimation de l’évolution des concentrations en polluants NO2

Source CGQA représentée par Said Ahamada bacar Mor Faye – 2021

L’observation de la fig. 5 ci-dessous montre une baisse importante de la concentration en dixoyde d’azote en 2020. Cette réduction s’explique par un changement important des habitudes anthropiques génératrices de dioxyde d’azote. Au Sénégal, dès l’apparition de la pandémie a COVID-19, le gouvernement a pris des mesures drastiques pour endiguer ce dernier. Il s’agit notamment du couvre-feu qui a ralenti certaines activités économiques dont le trafic routier, et par ricochet a influé sur la qualité de l’environnement par la réduction du dioxyde de d’azote dans l’air. Ainsi, une baisse de l’intensité du trafic routier a été observée, sans aucune variation pour les autres sources de pollutions telles que les travaux, chantiers, industries, énergie. Comparativement à 2019, il en ressort que la réduction des concentrations de NO2 mesurée en 2020 est plus faible certes, mais les sources de NO2 sont diverses et ne se limitent pas seulement au trafic routier. L’agriculture et l’industrie restent cependant les secteurs clés de contribution de polluants en dioxyde d’azote.

3.3. L’influence de la pandémie sur les particules en suspension

Les résultats obtenus montrent que les polluants atmosphériques en particulier, les particules en suspension évoluent non seulement selon les activités anthropiques mais aussi en fonction des facteurs météorologiques de la région (fig. 5). Cette évolution de PM10 et PM 2,5 observée en 2020 représente un défi de santé publique.

    • Analyse de PM 2,5 du 16 mars au 30 avril des années 2019 et 2020

L’origine des particules fines à Dakar est diverse. Plus de 20 % provient du trafic routier, une part du brouillard à l’air libre des déchets, les poussières désertiques venant du Sahara, et une part du chauffage résidentiel pour la concentration de PM 2,5.

Fig. 6: Concentration journalière de PM 2,5 du 16 mars au 30 avril

Source :CGQA, représentée par Said Ahamada bacar Mor Faye – 2021

Le graphique ci-dessus (fig. 5) indique que la concentration journalière de PM 2,5 est globalement en-dessous de la moyenne durant toute la période du 16 mars au 30 avril des années 2019 et 2020 avec des baisses et hausses aléatoires. Cependant, en 2019, la pollution aux particules PM 2,5 augmente à 135 µg/m3 après le 16 mars de façon plus nette. Durant toute la période du 20 mars au 30 avril 2019 cette pollution présente des concentrations supérieures ou égales à la moyenne, avec un pic de 82µg/m3 au 6 avril, dépassant le seuil de normalisation NS-05-062. En 2020, cette pollution augmente après le 17 mars avec un pic qui s’élève à 92,75 µg/m3 en raison de l’apparition de phénomènes de smog au mois de février qui est favorable à la dispersion des particules fines. Dans la période du 21 mars au 5 avril, les concentrations journalières de PM 2,5 sont inférieures à la moyenne avec un pic minimal de 18µg/m3 le 27 mars. Du 5 avril au 11 avril et du 19 au 21 avril de la même année 2020, cette concentration reste supérieure ou égale à la normalisation sénégalaise avec un pic moyen de 106 µg/m3 le 8 avril. En tenant compte des phénomènes météorologiques de cette période, avec la mise en place des mesures de restriction pour l’atténuation de la COVID-19, la pollution aux particules de PM 2,5 a augmenté de 9% durant la période du 16 mars au 30 avril 2020.

    • Analyse de PM10 du 1er mai au 30 juin (2019-2020)

Fig. 7 : Concentration journalière de PM10 du 1 mai au 30 juin

Source : CGQA, représentée par Said Ahamada bacar Mor Faye – 2021

L’observation du graphique de la fig.7 ci-dessus révèle que la pollution due aux particules PM10 augmente après le 30 mars et jusqu’au 30 juin 2020 en raison de conditions météorologiques défavorables à la dispersion des polluants et propices à la formation de particules. En particulier le 7 juin 2020, les concentrations en PM10 dépassent le seuil d’information recommandé fixé à 150 µg/m3. Néanmoins, la reprise des transports du 6 juin a contribué à l’augmentation de cette pollution. Cette situation ne décélère pas avec la mise en place des mesures de restriction. En effet, les sources de particules sont peu liées aux transports interurbains. En tenant compte des conditions météorologiques favorables à la formation des particules, les mesures de restriction contre la propagation de la COVID-19 n’ont pas pu freiner la croissance de cette pollution, de 65% dans la période du 1er mai au 30 juin 2020.

Fig.8 : Estimation de l’évolution de concentrations des PM.

Source CGQA représentée par said Ahamada bacar et Mor Faye – 2021.

L’évolution des concentrations des particules PM 2,5 et PM10 de 2020 pose régulièrement un danger pour la santé, contrairement en 2019 (fig. 8 ci-dessus). Malgré les mesures de restriction, en particulier le couvre-feu, la pollution de PM 2,5 reste presque identique à la normale avec une différence d’augmentation de 9%. Cette augmentation s’explique par les sources multiples d’émission de ces polluants ainsi que des conditions météorologiques favorables à leur accumulation, pendant une période plus courte en mars 2020 qu’en mars 2019 (fig. 8). Quant aux PM10, elles sont marquées par une augmentation de plus de 65%, en faisant la source de pollution la plus notable. Ce fait s’explique par les conditions météorologiques favorables à la dispersion de ce polluant mais aussi la reprise de transport interurbain dans le territoire contribuant à son augmentation. Ceci est bien visible au mois de juin 2020.

4. Discussion

Les questions de la qualité de l’air et de la pollution intéressent le monde scientifique, les institutions internationales et les pouvoirs publics. Dans son rapport des politiques de mobilité et d’accessibilité durables dans les villes sénégalaises, le programme de politiques de transport en Afrique (SSATP 2018 : 55) a étudié la corrélation entre transport et qualité de l’air. Pour ce dernier les externalités négatives de l’actuel système de transport sur l’environnement et la santé publique sont au cœur des préoccupations des autorités. C’est dans ce sens que le conseil exécutif des transports urbains de Dakar (CETUD) a été l’un des porteurs de la création de l’agence de la qualité de l’air, dédiée au monitoring des indicateurs de pollution de l’air à Dakar. L’observatoire concentre actuellement ses mesures sur la ville de Dakar, mais un projet de déploiement de capteurs complémentaires dans l’agglomération de Dakar est en cours (SSATP 2018 : 55).

Ces observations sont similaires aux résultats de Mbaye (2021 : 71) qui désigne “l’automobile comme une source de pollution majeure”. Elle participe de manière importante à la dégradation de la qualité de l’air par l’émission d’oxydes d’azote (monoxyde, et, à moindre degré, dioxyde et protoxyde) formés par réaction à haute température entre l’azote et l’oxygène de l’air comburant et de produits de combustion incomplète, de monoxyde de carbone (CO), hydrocarbures imbrûlés ou incomplètement brûlés (HC), de particules (en provenance surtout des moteurs diesel). A ces polluants, dont on peut réduire les émissions par amélioration des moteurs et mise en place de pots catalytiques, s’ajoutent des polluants tels que le plomb (pour les voitures à essence) ou le S02 (surtout pour les Diesel) sur lesquels on ne peut agir que par modification de la composition des carburants. Les trois quarts environ du plomb, ajouté sous forme de plomb tétraéthyle PTE ou tétraméthyle PTM dans l’essence ou le supercarburant pour en augmenter le pouvoir antidétonant, se retrouvent dans les rejets dans l’atmosphère sous forme de chlorure ou d’oxydes de plomb.

Fig. 9 : Évolution de l’IQA de 2010 à 2016

Source : CGQA cité par (F. Mbaye 2021)

En outre, la zone d’étude (Dakar) se distingue par un climat doux, son centre et son extrémité étant en grande partie sous l’influence de l’alizé continental (Harmattan) chaud et sec, contrairement à la partie nord sous l’influence climatique du Sahara et du Sahel (Gaye 2018 : 4). Dans le Nord du Sénégal (Saint-Louis, Podor et Matam), en plus des dizaines d’épisodes pluviométriques, des événements de lithométéores (brume sèche, brume de poussière, vent de sable et tempête de poussière) affectent chaque année cette partie du pays. Par leur fréquence et leur niveau de concentrations élevées en particules, l’essentiel de ces épisodes dégradent fortement la qualité de l’air. Cependant, la dégradation de la qualité de l’air n’est pas toujours à mettre au compte du transport, mais à Dakar, il semble être l’une des principales causes.

Conclusion

L’objectif de cette étude est de montrer la qualité de l’air suivant l’évolution des polluants indicateurs majeurs de la pollution atmosphérique de la période d’avant et pendant la COVID-19. Cette analyse porte sur les émissions des polluants NO2, PM 2,5 ainsi que le PM10 des années respectives de 2019 et 2020 dans la période du 16 mars au 30 avril et du 1er mai au 30 juin. L’importance de cette contribution est que la pollution et la qualité de l’air sont des enjeux non négligeables dans le monde actuel. En effet, elles constituent le principal risque environnemental pour la santé et touchent 90 % de la population mondiale. Dans certaines villes, la qualité de l’air s’est améliorée en raison de la baisse de la circulation, de la fermeture des usines et d’autres mesures mises en place pour ralentir la propagation de la COVID-19.  Il est encourageant de voir la population profiter d’un ciel qui n’est pas gravement pollué, parfois pour la première fois depuis des années. Les émissions provenant de la combustion de carburants représentent près d’un quart des émissions de CO2 dues aux activités humaines. L’impact des blocages sur les transports à travers le monde lors de la pandémie de COVID-19 a donc été brutal. L’activité moyenne sur les routes du monde a chuté de près de 50 % par rapport à 2019. En peu de temps, les zones urbaines ont enregistré des réductions massives de polluants associés aux moteurs à combustion interne. Les données recueillies par le Centre national des sciences atmosphériques du Royaume-Uni montrent des réductions marquées du dioxyde d’azote (NO2) et des particules (PM2, 5) dans dix villes. Cependant, il ne faut pas oublier que le coût économique et social de cette amélioration de la qualité de l’air est colossal.

Références bibliographiques

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DASHRAATH Pradip, WONG Jeslyn Lin Jin, LIM Karem Xian Mei, LIM Min Li, LI Sara, BISWAS Arijit, CHOOLANI Mahesh, MATTAR Citra, SU Lin Lin, 2020. « Coronavirus Disease 2019 (COVID-19) Pandemic and Pregnancy ». American Journal of Obstetrics and Gynecology 222 (6), p. 521‑31.

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MBAYE Fatou Bintou, 2021. Congestion du trafic routier dans le département de Dakar : étude diagnostique et recommandations, Mémoire de Maitrise, Sup’ING, 70 p.

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SAGNA Astou, 2020. Résultats du Recensement Général des Entreprises (RGE) ». Dakar. ANSD, 120 p.




Auteurs

Mor FAYE
Docteur en Géographie Université Gaston Berger de Saint-Louis-Sénégal
Laboratoire Leïdi « Dynamiques des territoires et développement »
Courriel : faye.mor1@ugb.edu.sn

Ibrahima THIAW
Docteur en Géographie
Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Laboratoire d’hydrologie et de morphologie
Courriel : ibrahima4.thiaw@ucad.edu.sn

Said Bacar AHAMADA
Msc. EMIA Université des sciences et technologie, Dakar Sénégal
Courriel : ahamadabacar54@gmail.com

Auteur correspondant

Mor FAYE Courriel : faye.mor1@ugb.edu.sn

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