Espaces Africains

L’accès au foncier dans les villages périphériques de Bouaké et Yamoussoukro (Côte d’Ivoire)

AUTEURS : Yao Jean Julius KOFFI – Setondji Neil Edmerique TAKPA

Résumé

En Côte d’Ivoire, l’urbanisation et les réformes foncières récentes bouleversent profondément l’accès foncier, notamment dans les zones périurbaines. Dès lors, comment s’organise l’accès au foncier dans ces zones soumises à l’imbrication des droits coutumiers et formels ? Cet article analyse ainsi les formes d’accès foncier dans les villages périphériques de Bouaké et Yamoussoukro.  L’étude mobilise une double approche : une analyse documentaire fondée sur l’exploitation de thèses, d’articles et d’ouvrages scientifiques, et une enquête de terrain réalisée entre le 5 août et le 30 novembre 2024 auprès de 96 chefs de ménage, sélectionnés selon la méthode des quotas et répartis dans 12 villages choisis par échantillonnage raisonné. Les résultats montrent une diversité d’acteurs intervenant dans l’accès foncier, répartis en cinq catégories (autorités politiques, autorités administratives, chefs traditionnels, entrepreneurs et chefs de ménage). Par ailleurs, la majorité des populations enquêtées ignore les textes juridiques encadrant ce domaine, tandis que les normes traditionnelles sont de plus en plus fragilisées par la monétarisation des terres. Ce contexte favorise plusieurs modes d’accès foncier, dont 6 sont légaux (partage, héritage, achat, location, gage et prêt) et 3 sont illégaux (occupation de zones non-aedificandi, usurpation d’héritage et bornage illicite). Selon les enquêtes, l’achat domine à Yamoussoukro (34%), tandis que le partage est plus courant à Bouaké (42%). De plus, les résultats révèlent des disparités liées au statut foncier ainsi qu’une faible présence des femmes dans l’accès foncier. Enfin, ces dynamiques favorisent divers litiges fonciers dont la mauvaise délimitation des parcelles représente la cause la plus fréquente à Bouaké avec 29% et la contestation du droit de propriété à Yamoussoukro avec 31%.  Ces résultats soulignent la nécessité d’une gouvernance foncière plus inclusive et mieux articulée entre les normes coutumières et légales afin de réduire les inégalités et prévenir les conflits dans les espaces périurbains.

Mots clés : Accès au foncier, Villages périphériques, Bouaké, Yamoussoukro, Côte d’Ivoire

Abstract

In Côte d’Ivoire, recent urbanization and land reforms have deeply transformed land access, especially in peri-urban areas. This article examines how land access is organized in the peripheral villages of Bouaké and Yamoussoukro, where customary and formal land rights intersect. Based on a mixed-methods approach (document analysis and a field survey of 96 household heads across 12 villages) this study identifies five main actor categories involved in land access. The findings reveal widespread legal ignorance, growing erosion of customary norms due to land commodification, and diverse legal (inheritance, sharing, purchase, rental, pledge, loan) and illegal (unauthorized occupation, inheritance usurpation, illicit demarcation) access modes. Land purchase prevails in Yamoussoukro (34%), while sharing is more common in Bouaké (42%). Land access also shows gender and status-based disparities. The main sources of conflict include unclear boundaries (Bouaké, 29%) and ownership disputes (Yamoussoukro, 31%). These dynamics call for more inclusive and better-aligned land governance frameworks.

Keywords : Land access, Peripheral villages, Bouaké, Yamoussoukro, Côte d’Ivoire